lundi 13 avril 2015
La démocratie en danger au
Burundi
Analyse faite par Isaac Nizigama
Le Burundi est en
train de se diriger dangereusement vers une crise sans précédent, du moins si
rien n’est fait pour renverser la tendance. Celle-ci est alimentée par une
propagande malsaine des gens voulant à tout prix se maintenir au pouvoir, sans
se soucier des lois, de la paix, de la stabilité et de la démocratie dans ce
petit pays longtemps meurtri par des violences cycliques. À quelques semaines
seulement avant le début des élections, les tenants du pouvoir à Bujumbura,
membres du parti CNDD-FDD, s’évertuent à défendre un troisième mandat illégal
du Président actuel en entretenant volontairement la confusion notamment autour
de trois enjeux :
1° La popularité
et l’avenir du parti CNDD-FDD sont confondus avec ceux du Président actuel et
de son troisième mandat. Comme si ce Parti s’identifiait à une seule personne.
Comme si après Nkurunziza et son équipe, le Parti CNDD-FDD ne peut pas survivre
et demeurer populaire. D’où ceux qui se sont opposés à ce troisième mandat
anticonstitutionnel ont été chassés du Parti. Parmi eux, des personnalités qui
ont servi fidèlement ce parti depuis sa création. Où sont partis l’honneur, la
dignité, la grandeur, la réputation, la reconnaissance...? Pour un parti qui
vient de diriger le pays pendant 10 ans, ceci constitue une énième preuve de
l’incapacité de ses dirigeants actuels de comprendre et de s’inscrire
résolument dans la logique de la démocratie pluraliste, du pluralisme idéologique,
de la liberté d’opinion et d’expression, du respect des droits civils et
politiques des populations dirigées, y compris au sein de ses propres membres.
2° Le peuple est
confondu avec les partisans du parti CNDD-FDD. Ceux qui refusent d’y adhérer ou
de participer à ses activités, sont fustigés, maltraités, traités d’ennemis de
la Nation burundaise. L’intolérance politique est au comble, le parti CNDD-FDD
veut s’ériger en parti unique, il veut réinstaurer le monopartisme de fait au
Burundi. Actuellement le CNDD-FDD se dénomme même « Parti du
peuple », comme si les autres formations politiques ne sont pas également
des voix du peuple burundais. Or, le Burundi appartient de droit à tous les
Burundais. Nul ne doit être victime d’exclusion, de marginalisation, de déni
des droits, y compris le droit à la vie, uniquement pour ses opinions
politiques, ses choix idéologiques légitimes et légaux, en autant que ces
attitudes ne troublent pas l’ordre public et ne portent pas atteinte aux droits
des autres. La citoyenneté burundaise est au-dessus de l’appartenance politique
et ethnique. La Constitution actuelle du Burundi défend le Murundi en tant que
tel. Confondre les intérêts d’un seul parti politique avec ceux du peuple
burundais dans son ensemble, c’est se rendre coupable d’exclusion et de
divisionnisme, c’est échouer à défendre les intérêts supérieurs de la Nation
burundaise,...
3°Les acquis
démocratiques et historiques dus principalement à la signature et à la mise en
application de l’Accord d’Arusha de 2000 et des autres accords qui s’en sont
suivis, semblent revêtir peu d’importance chez les partisans du CNDD-FDD qui
soutiennent la troisième candidature du Président Nkurunziza. Ceux-ci semblent
vouloir gouverner le Burundi comme si l’histoire récente, qui pourtant les a
portés au pouvoir, n’avait pas d’importance historique devant dicter
l’orientation future de la politique du pays. Ce type de politique n’est dicté
en dernière analyse que par un ventriotisme éhonté, un égocentrisme
incompatible avec la culture burundaise d’ubuntu et d’ubugabo,
d’ubushingantahe,...Parce que pour accéder au pouvoir, ces tenants du pouvoir
actuel ont dû d’abord signer l’Accord d’Arusha à travers les Accords de
cessez-le-feu signés. Ils ont dû souscrire à l’esprit et à la lettre de cet
Accord historique d’août 2000. Ils ont juré fidélité à la Constitution de 2005
qui s’en est inspirée. Prétendre s’affranchir de ces textes fondamentaux, rien
que parce qu’on croit que ce faisant l’on va se perpétuer au pouvoir en se
faisant plébisciter par la masse populaire qui, de toute évidente, a besoin
d’être dirigée et orientée, relève de la haute trahison. C’est aussi couper la
branche de l’arbre sur laquelle on est assis depuis 10 ans. En un mot, c’est
suicidaire ! La seule manière de s’assurer un avenir meilleur à la fois
pour eux et pour le peuple burundais, c’est de défendre les acquis
démocratiques et historiques issus de l’Accord d’Arusha et de la légalité
constitutionnelle tant et aussi longtemps que ces textes n’ont pas fait l’objet
de révision. La démocratie ce ne sont pas seulement les élections (sinon on
verserait dans ce qu’on appelle la « démocratie du nombre »), c’est
aussi le respect des principes démocratiques (les textes juridiques protégeant
les droits des citoyens, surtout des minorités).
Entretenir la
confusion autour de ces enjeux majeurs dans la politique burundaise
contemporaine sous prétexte qu’on se voit capable de mobiliser, avec les moyens
de l’État qui est une chose publique, donc commune à tous les Barundi, des millions
de partisans, c’est jouer avec l’Histoire, c’est entretenir une bombe à
retardement dont l’explosion risque d’être plus dévastatrice que tous les
cycles de violence que le Burundi a déjà connus.
C’est pourquoi,
nous, Barundi, attendons de notre Président qui a bénéficié de notre confiance
depuis 2005, qu’il prononce un discours d’un homme d’État, un discours
rassurant, adressé à tous les Barundi et à la Communauté internationale, et
déclarant sans aucune ambiguïté qu’il est inéligible cette année à sa propre
succession et qu’il se prépare à remettre le bâton de commandement à son
successeur. Ce discours de paix et d’espoir pourra ramener, de façon générale,
les choses dans l’ordre normal et le calme dans le pays. Et les élections
pourront se dérouler avec moins de tension et plus de confiance. Autrement dit,
ce discours est attendu comme un droit légitime du peuple burundais qui a droit
à la paix, à la démocratie, à la stabilité, à la dignité, et à la protection de
la part de ses dirigeants élus.
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