MYTHE DES ORIGINES, IDEOLOGIE HAMITIQUE ET
VIOLENCE EN AFRIQUE DES GRANDS LACS :
COMPRENDRE ET AGIR.
Dr Lazare NDAYONGEJE, Directeur de Programme, Politique &
Géopolitique Burundaise, Burundi Réalités International (BRI Inc.)
Contact :Politique@Burundirealite.org
16 août 2004
REGIÓ DEL KIVU
INTRODUCTION
Les contradictions à l’origine des tensions et des conflits
socio-politiques ne sont pas toujours apparentes. Bien souvent, les groupes d’intérêt les
masquent en leur donnant une pseudo explication mystificatrice. Un des rôles de l’idéologie
politique est non seulement de fournir une interprétation du monde mais également d’indiquer
un idéal social. C’est pourquoi elle est souvent le lieu théorique où s’investissent
les falsifications intéressées de l’histoire et de la réalité sociale et politique.
Pour l’Afrique et singulièrement pour la région des Grands Lacs, deux mythes
idéologiques ont été cultivés et n’ont pas encore cessé de faire des ravages : il s’agit
du mythe des origines et de celui du tutsi-hamite, et plus récemment du tutsi juif. Le
terme mythe a plusieurs sens et de ce fait est ambigu. Du grec muthos : parole, récit, le
mythe signifie à la fois une représentation collective de haute teneur psychologique et
affective ( mythe du progrès, mythe de l’âge d’or) et un récit dont le fondement
rationnel est absent et qui pour fournir une explication recourt aux ressources d’un
imaginaire fabuleux. Dans le mythe, il y a un défaut d’explication rationnelle compensé et
masqué par les séductions d’un artifice poétique, religieux ou fantastique et fantasmatique.
Le mot idéologie est également polysémique. Il signifie un système d’idées destiné à
voiler ou à justifier par un « arôme spirituel » la domination d’une classe sociale ( K.
Marx) ; une projection dans un imaginaire consolant d’une situation intenable et
contradictoire (L. Feuerbach) ; ou une rhétorique incapable d’expliquer ses concepts et qui est l’expression
détournée des intérêts d’une classe sociale ( L. Althusser). Dans ses
investissements historiques successifs l’idéologie hamitique a revêtu tour à tour et parfois
concomitamment les aspects d’un mythe, d’une illusion rassurante, d’un masque des
intérêts et d’une volonté de domination. Mythe et idéologie ont ici en commun la
manipulation intéressée de l’illusion (entendue dans le sens freudien comme croyance dans
laquelle la force du désir fait méconnaître la réalité) et des fantasmes.
Au regard du potentiel mortifère du mythe des origines et de l’idéologie
hamitique, il nous paraît important de revisiter leur genèse dans l’espoir de
susciter un débat et des engagements salutaires
1. Mythe des origines : théories de l’espace, déterminisme
géographique et
naturalisme.
Dans l’entendement ordinaire, l’espace pourrait être considéré
comme quelque chose de vide, un réceptacle neutre sans impact sur les personnes et les
choses. En réalité les penseurs qui ont abordé l’analyse de cette notion ont divergé. Le
même désaccord peut être constaté à propos de l’influence du lieu géographique de
naissance, certains considérant qu’il constitue un facteur identifiant, d’autres n’y
voyant qu’un élément plutôt secondaire. Au demeurant, l’homme est-il l’oeuvre de la nature ?
1.1. L’espace : le vide ou l’ordre des coexistences possibles ?
Aristote définit l’espace comme un lieu doté d’une certaine
puissance organisatrice (1)
Chaque chose est amenée à rejoindre sa place naturelle : les
choses terreuses en bas , le feu en haut , l’eau et l’air dans l’intervalle. Il y a violence
chaque fois qu’un objet est éloigné de sa place naturelle : par exemple quand je jette un
caillou en l’air…Heureusement le naturel va revenir au galop. Pour le
physicien Isaac Newton, l’espace est un cadre indépendant des objets qui l’occupent tandis
qu’Albert Einstein y voit une simple possibilité de position. Une boîte par exemple
délimite une possibilité de position (2). Leibniz pour sa part définit l’espace comme l’ordre
des coexistences possibles tandis R. Descartes se démarque en définissant l’espace
comme la substance matérielle des choses : l’espace ce n’est pas le lieu de la chose,
c’est la chose même dans sa consistance matérielle. « …la même étendue qui constitue
la nature du corps constitue aussi la nature de l’espace(3)».
Si nous retenons la définition de l’espace comme l’ordre des
coexistences possibles, « non seulement entre les existants, mais encore entre les
possibles comme s’ils existaient » il se pose dès lors une série de questions sur ces
coexistences. S’agissant de la coexistence des hommes avec la nature environnante, trois
thèses peuvent être envisagées : le primat du monde physique, le primat de la culture,
ou alors une synthèse dynamique entre le naturel et le culturel.
1.2. Du déterminisme géographique au « régionalisme. »
Jean Bodin, dans son ouvrage La république, au livre V chapitre
premier, a théorisé en le politisant l’impact des zones climatiques. Le Nord, le Midi et la
zone tempérée produiraient des types d’hommes différents. L’homme du nord serait
brutal, versatile, sans parole donnée, chaste et pudique. Il serait gouverné par la
force. L’homme du midi serait plutôt rusé et vindicatif, lubrique, porté vers les
sciences et la contemplation. Il serait gouverné par la religion. L’homme du climat tempéré, porté
aux sciences politiques, les lois, la grâce de bien discourir, serait gouverné
par la raison et la justice.
On voit là un déterminisme géographique qui imposerait des
caractères spécifiques et définitifs. Jean Bodin, pour qui les vents rendent les hommes
inquiets alors que les montagnes les rendent indépendants et farouches pour leur liberté,
a dû reconnaître la possibilité pour la discipline, donc l’éducation, de changer le
naturel. « Voilà, écrit-il, quant aux naturelles inclinations des peuples, lesquelles
toutefois n’importent point de nécessité…mais qui sont de bien grande conséquence pour l’établissement
des républiques, des lois , des coutumes …(4) »
On sait par ailleurs que Montesquieu a repris, au livre 14 de L’Esprit
des lois (1748) la théorie des climats. Le froid, pensait-il, resserre les extrémités
des fibres de notre corps et augmente leur force, le chaud les allongerait et diminuerait
leur force. Et avec la force causée par le froid, la confiance en soi, la hardiesse dans l’entreprise,
moins de désir de vengeance, peu de sensibilité à la douleur, aux plaisirs, à l’amour.
Montesquieu fait l’apologie des peuples du nord qui briseraient les fers forgés au
midi. « C’est là que se forment ces nations vaillantes qui sortent de leur pays pour
détruire les tyrans et les esclaves, et apprendre aux hommes que, la nature les ayant fait
égaux la raison n’a pu les rendre dépendants que pour leur bonheur. » Mais déjà, s’insinue
dans la pensée de Montesquieu une contradiction : qu’est-ce qui détermine l’esprit
des nations : le climat ou de la raison ? Accusé de spinozisme (affirmation de la
nécessité s ‘imposant aux hommes ) Montesquieu fut obligé de rédiger en 1750 une Défense de
l’Esprit des lois et d’affirmer le rôle des causes morales. Plus les causes physiques
portent les hommes au repos, plus les causes morales les en doivent éloigner écrit-il,
insistant sur la responsabilité des législateurs. Au total, le climat chez
Montesquieu restera un facteur parmi d’autres, à côté de la religion, des moeurs et des lois, des
maximes du gouvernement, et des exemples des choses passées.
On le devine aisément : le déterminisme géographique, basé sur l’idée
que la zone géographique et son climat influencent de façon décisive les
qualités des gens tant au plan intellectuel que moral peut être à l’origine de divisions sur
la base de la provenance provinciale ou régionale. Sans être explicitement revendiquée, une
telle pseudo-théorie sous-tend la démarche de certains politiciens à court d’arguments
politiques, qui indexent telle ou telle région comme « produisant » des hommes
naturellement …méchants.
1.3. Nature humaine et racisme.
On peut définir la nature comme ce que l’homme trouve, ce qui n’est
pas l’oeuvre de l’art ou de la culture en général, ce qui n’est pas fabriqué. Sur le
plan biologique, est naturel ce qui est inné et se transmet par hérédité. S’agissant de la
nature humaine, la question est de savoir si nous naissons hommes ou si nous naissons potentiellement
hommes. Y a-t-il un concept universel de l’homme qui soit nécessaire et qui
se réalise inévitablement dès que celui-ci naît ? L’affectivité, l’intelligence, la
créativité sont-elles inscrites dans ses gènes ?
Abordant la question, Lucien Malson, dans Les enfants sauvages
écrit : « Le problème de la nature humaine, c’est en somme celui de l’hérédité
psychologique…rien n’est plus contestable que la transmission par le germe de « propriétés »
définies, décelables dans l’ordre de la connaissance et de l’affectivité -donc de l’action.
(5)» L’étude des enfants sauvages privés d’éducation, a montré que sans société ni
socialisation dans les délais
convenables, le potentiel intellectuel, affectif et moral s’atrophie
et l’on ne peut plus espérer avoir un humain accompli, mais un être qui se comporte
comme les bêtes auprès desquelles il a grandi. De plus , deux jumeaux monozygotes élevés
dans des milieux différents auront des comportements et des capacités
intellectuelles différents. Néanmoins, François Jacob dans « Le Monde » du 11 /12 février 1972
recommandait d’éviter deux extrêmes : celui de la fatalité génétique où tout,
dans l’intelligence, les sentiments et les comportements serait déterminé par l’hérédité ;
et celui de la cire vierge où tout serait acquis. « Le programme génétique met en
place ce qu’on pourrait appeler des structures d’accueil qui permettent à l’enfant de
réagir à son milieu, de repérer des régularités, de les mémoriser puis de combiner les
éléments en assemblages nouveaux » . De la sorte, il y a interaction entre le génétique et
le socioculturel dans une perfectibilité relative.
En fin de compte, on ne parle plus de nature humaine, mais de
potentialités humaines pouvant être plus ou moins développées. Les travaux des
anthropologues et les recherches sur l’intelligence humaine et animale ont dégagé ces
potentialités : la liberté dans le temps et l’espace car l’action humaine n’est pas seulement
liée au présent ou à la présence des objets ; la capacité de combiner les objets pour
attendre un but et l’invention des signes pour faciliter et représenter cette
combinatoire, l’invention et la pensée de la pure chose (x) liée à chaque objet, c’est-à-dire l’abstraction
formelle ; l’exigence des règles dont la prohibition de l’inceste ; la
pratique du don et de l’échange ; l’exigence de réciprocité.
De là , on comprend que les hommes n’étant pas le seul résultat de
leurs gènes , mais aussi de l’éducation, on ne peut les figer une fois pour toutes
dans un déterminisme biologique et que les ghettos organisés autour de la pureté
raciale n’ont pas de fondement réellement humain. Or le raciste explique les
différences sociales et culturelles comme l’effet de l’hérédité. La division d’une société en classes
est fondée, pense-t-il, sur les propriétés héréditaires. « Ceux qui sont aujourd’hui des
prolétaires doivent leur situation inférieure aux tares héréditaires de leur corps et de
leur esprit. (6)» La femme est minoritaire parce que génétiquement inférieure, le nègre est
esclave parce que génétiquement , naturellement déficient…
S’il n’y a pas de rapport de nécessité entre un programme
génétique invariable et des qualités intellectuelles , affectives et morales d’un individu ou
d’une race ; s’il ne peut encore moins y avoir un lien absolu entre un trait culturel (
religion, langue, coutume) et un peuple, une ethnie ou une race, à cause du caractère contingent
et évolutif de la culture ; s’il n’ y a pas non plus de relation de cause à effet
entre la zone géographique et climatique et ‘l’esprit ‘des gens qui y habitent, le
déterminisme naturel fixiste sur lequel s’appuient les théories régionalistes et racistes ne
devrait qu’être rangé au musée des erreurs passées . Malheureusement, ces erreurs , devenues des
mensonges profitables , des idéologies politiques , n’ont pas cessé de
hanter les hommes, même les savants et soi-disant éclairés. Tel est le cas de l’idéologie
hamitique.
2. L’idéologie hamitique : une arme de combat et de domination.
Le terme hamite ou chamite enveloppe une des plus funestes
manipulations de la réalité historique et culturelle. Partant de la malédiction
consécutive à la faute présumée de Cham, l’idéologie hamitique servira aux Hébreux pour frapper d’infamie
les Egyptiens
et les Noirs, ensuite elle servira pour justifier l’esclavage et
la colonisation, puis par une transmutation due à Gobineau, elle servira à dénier aux peuples
Noirs toute contribution à la civilisation universelle, toute innovation culturelle
africaine étant attribuée à l’apport fécondant de Hamites d’origine blanche. Après avoir servi à nier l’apport
des Noirs dans la civilisation égyptienne, elle va être utilisée pour présenter
les élites des pays des Grands Lacs comme étrangères, apparentées aux colonisateurs et
naturellement appelées à participer avec eux au parachèvement de l’oeuvre
civilisatrice. Avec l’idéologie hamitique, le venin du racisme va pénétrer dans cette région de l’Afrique,
semant des divisions et des haines qui ont culminé dans des génocides. Elle
déforme encore la conscience de certaines élites à tel point que Drake aurait encore
raison de titrer, comme en 1959, son article : « Détruire le mythe chamitique,
devoir des hommes cultivés. (7) »
2.1. De la malédiction de Cham à la malédiction des Noirs
Le mot chamitique ou hamitique vient du nom Cham, l’un des trois
fils de Noé. Dans la Bible, Ancien Testament, le livre de la Genèse dit au chapitre 9
versets 18-27 que Cham ayant vu son père ivre et nu, il en avait averti ses frères, Sem
et Japhet. Le père une fois sorti de son ivresse apprit « ce que lui avait fait » son jeune
fils, et maudit Canaan, fils de Cham en le condamnant à être l’esclave de ses frères. Au
chapitre 10, la Genèse présente comme fils de Cham, Kouch, Misraïm , Put et Canaan. Et
comme fils de Kuch, Séba, Havila, Sabta, Ragma, et Sabteka. Comme fils de Ragma, Saba
et Dédan. A ce niveau, tous les peuples de la terre sont présentés comme issus d’un
même père. Mais certaines traditions juives vont exploiter l’histoire de la
malédiction de Cham pour la transformer en celle des Noirs. Une confusion, peut-être
intéressée et délibérée, a été faite entre Cham et trois racines de l’égyptien ancien : ham qui
signifie être chaud, brûler ; hm,hmw qui veut dire esclave, disciple et km, kam qui
signifie être noir, brunir. Kmt est à la fois une chose noire, la terre noire fertile par
opposition à deseret, terre rougeâtre et stérile, l’appellation de l’Egypte, du roi et des
habitants de l’Egypte. Kami désigne le dieu Osiris etc. L’auteur de la Genèse « aurait
identifié les contenus sémantiques des trois points ou de deux seulement comme le fera
plus tard Philon, d’Alexandrie qui, commentant ce passage (Gen. 9, 18-27),
identifiera km et la chaleur (hm) d’autant plus facilement que ham en hébreux a le même sens
que dans l’égyptien ancien. (8)» Dans une étude sur l’hypothèse hamitique, son origine
et sa fonction diachronique, Edith R. Sanders montre que la malédiction passa des
noms de Cham, de Canaan, d’Egypte etc à la couleur noire de la peau et même à la
physiologie et à la conduite morale des Noirs « comme le montrent clairement les
traditions rabbiniques du Talmud babylonien dans lequel les descendants de Canaan deviennent
des Noirs et des dégénérés.(9) » En fait la Genèse escamote le vrai motif de la
malédiction et les traditions sur l’ivresse de Noé varient : l’une dit que Noé a été
castré par Canaan, l’autre, qu’il
l’a été par un lion.
Dans la mythologie (grecque et hittite par exemple), le mythe de
la castration du père est fréquent : Chez les Grecs, Ouranos est émasculé par Kronos,
qui a son tour est émasculé par Zeus. Les Hébreux ont récupéré ce thème mythique pour
l’exploiter contre les peuples du sud et les Noirs. « Tout cela provient du fait qu’à
un moment donné de l’histoire réelle des peuples, les Hébreux qui avaient des
prétentions sur la terre des Cananéens ou des Philistins alors alliés des Egyptiens vers l’époque
de Ramsès III(1182-1151), avaient besoin d’une puissante idéologie de caractère
cosmique pour légitimer leurs prétentions politiques. (10)» Cette idéologie de la
malédiction des Noirs restera désormais latente au long de l’histoire. Au XIVème siècle Ibn
Khaldun essaye même de la combattre et d’expliquer que la couleur noire n’est pas la
suite de la malédiction de Noé mais plutôt l’effet de l’air sous une très grande chaleur. Il
constate dans son Muqaddimah ou Introduction à l’histoire universelle qu’il est dit
dans la Torah que Noah a maudit son fils Ham mais qu’aucune référence n’y est faite à la
couleur noire.
Aux 18è et 19è siècles, l’idéologie de l’infériorité des Noirs se
donne de plus en plus les apparences de la science, étant relayée par des penseurs éminents. Le siècle dit des Lumières n’apportera pas de rayons d’objectivité
sur la réalité humaine des Noirs (11). D. Hume trouvait que les nègres n’ont aucun signe
d’intelligence, Voltaire trouvait qu’ils sont irrémédiablement les derniers sur le plan
intellectuel, le naturaliste Cuvier n’y voyait que des barbares proches des singes, tandis que
le philosophe Hegel trouvait que l’Afrique était encore « enveloppée dans la couleur
noire de la nuit».
Les hommes d’Eglise et autres exégèses insistent sur la peine
héréditaire « qui pèse sur une portion de la race africaine. »(Lamennais dans L’avenir,
1830). A.L. Montandon écrit en 1848 dans son Etude des récits de l’Ancien testament…« Il
suffit de vous désigner les nègres pour vous rappeler à quel point la sentence de
Noé s’est accomplie sur la postérité de Cham » Mais, pendant que le mythe de la
malédiction des Noirs justifie l’esclavage et la colonisation, l’idéologie hamitique
prend un tour inattendu avec le comte Arthur de Gobineau.
2.2. Les Chamites selon Gobineau ou la négation de la créativité
des Noirs.
Gobineau intervient pour contrer la thèse, défendue par exemple
par Volney sur le caractère noir et africain de la civilisation égyptienne ancienne.
Il s’ingénie à récupérer le concept péjoratif de Chamite pour lui donner une nouvelle
signification.
Avec son Essai sur l’inégalité des races humaines(1853) le comte
Arthur de Gobineau va donner au racisme et à l’idéologie hamitique une autre tournure non
moins dangereuse. Gobineau distingue notamment les races Caucasienne, Sémitique,
Japhétide, Jaune et Noire /Chamitique . Chaque race a selon lui sa spécificité
intellectuelle et morale. « Les deux variétés inférieures de notre espèce, la race noire, la race
jaune, sont le fond grossier , le coton et la laine , que les familles secondaires de
la race blanche assouplissent en y mêlant leur soie, tandis que le groupe arian,
faisant circuler ses filets plus minces à travers les générations ennoblies, applique à leur
surface , en éblouissant chef-d’oeuvre, ses arabesques d’argent et d’or.(12) » Le Noir
incarne la laideur, la superstition, la brutalité, l’anthropophagie , la médiocrité, la
souillure. La civilisation égyptienne serait le résultat du mélange de touristes blancs,
éléments civilisateurs, avec des Noirs autochtones. Les Chamites de Gobineau sont primitivement
des Blancs mais leur destin a été de se mêler à la race ‘’mélanienne’, de se
métisser et de disparaître. « Les anciens Chamites blancs allèrent se perdant chaque jour, et
finirent par disparaître.
Leur descendance mulâtre, qui pouvait très bien encore porter leur
nom comme un titre d’honneur, devint par degrés, un peuple saturé de noir. (13)»
Selon lui, les Chamites qui ont fondé les civilisations nord africaine et mésopotamienne
telles que celles de Carthage, de Ninive, de Babylone étaient des Noirs ayant assimilé
du sang blanc ou ‘’arian’’. Après Gobineau, les Noirs se divisent en vrais et faux
nègres, et toute trace de civilisation est imputée à la présence du sang des chamites.
Les linguistes, les anthropologues, les ethnologues et les
égyptologues vont s’engouffrer dans la brèche ouverte par Gobineau et chercher des hamites
derrière toute civilisation africaine. Chez certains linguistes, les langues sont classées en
relation avec la hiérarchie culturelle et raciale de leurs locuteurs Ainsi par
exemple, Carl Meinhof écrit en 1936 que « les créateurs de langues à classes ne sont pas des
natifs de l’Afrique et (…) n’étaient pas des nègres ». Et l’anthropologue J. Deniker dans Les
races et les peuples de la terre (Paris, 1900) affirme que « l’élément dit khamitique, d’origine
asiatique ou européenne(…) se superposa sur les nègres, les négrilles et les
boshimans ». De plus, dans son article intitulé « Détruire le mythe chamitique, devoir
des hommes cultivés »,
Drake cite l’ouvrage de Friedrich Ratzel intitulé Histoire de l’humanité
et publié à Londres en 1895 dans lequel Ratzel explique que le terme chamitique doit
être appliqué aux « tribus dont le type de physionomie approche les plus nobles
formes de visages blancs bien que leur couleur soit aussi noire que celle du Noir
typique. (14)» Mais l’un des anthropologues les plus acharnés à hamitiser l’Afrique
fut sans aucun doute Sir Harry Johnston(15). Pour lui, en effet, les Hamites étaient
linguistiquement et racialement de même origine que les Sémites et viennent peut-être
« du sol fertile des
peuples conquérants » de l’Asie du Sud-Ouest. Les Hamites sont la
forme primitive ou modifiée du caucasien. « Les nègres Nilotiques sont très tôt sous
l’influence de la forme primitive de l’homme blanc, le Hamite ».Ce sont les ancêtres des
dynastes égyptiens. Ils conquirent l’Egypte et l’Afrique noire jusqu’au Cameroun et à l’ouest
de l’Afrique. A l’Est, ils descendirent jusque dans les pays des grands Lacs. Ce sont eux
qui ont apporté l’usage du métal. Ce sont des aventuriers égyptiens qui, en
descendant devinrent partout des chefs, des demi-dieux à cause de leur peau claire, de
leurs beaux traits et de leurs arts. Les civilisations africaines sont tributaires et
redevables au sang blanc des Hamites, de l’Egypte au Zimbabwe, des Grands Lacs au Bénin en
passant par les Bashi et les Lubas qui devraient aux Hamites l’art de la métallurgie. « Sometimes
one is disposed to think that those remarkable cattle-keeping
aristocracies of the heart of Central Africa- the Bahima, the Batutsi, the Makarka, and
Mangbettu are descended from Egyptian colonists of 2,000 and 3,000 ago »,note Johnston.
2.3. Les Hamites des Grands Lacs, des explorateurs aux « savants», des colons aux missionnaires.
Le dix-neuvième siècle dit de l’histoire était féru de recherche
de l’origine et de l’évolution des choses. Les langues, les peuples, les
civilisations, les races, l’esprit, etc. tout fut appelé à donner sa source et de prendre place sur l’échelle
de l’évolution au sommet de laquelle trônait, bien entendu, la civilisation
occidentale chrétienne et technicienne. Tout ce qui, en Afrique, portait la marque du génie
dans l’organisation politique et sociale, dans l’élaboration métaphysique, les
sciences, les arts, l’architecture etc. fut attribué à des éléments fécondants blancs.
L’explorateur anglais J.H.Speke, qui passa dans la région dans les
années 1850 (au Burundi en 1858) impressionné par l’organisation de l’Afrique des
Grands Lacs avança l’hypothèse d’une migration galla venue d’Ethiopie. Et après lui,
Oscar Baumann écrira : « Les peuples étudiés ici appartiennent linguistiquement tous au
groupe bantou.
Cependant du point de vue anthropologique on sera obligé ici de
les grouper en hamites et en nègres, les premiers étant représentés par les tribus des
pasteurs, watussi ou wahuma. Sur les populations agricoles bantu établies depuis des
temps immémoriaux s’est déversé, il y a plusieurs millénaires, un courant d’immigrants
de pasteurs hamites originaires de l’Abyssinie du sud des pays nordiques des Galla.
(16) »
Le congrès Universel des races de 1911 fit l’éloge des hamites à
la grammaire admirable, au nez aquilin, au beau crâne vaste et orthognate (17). Et le
docteur Richard Kandt reprit l’idéologie en 1914 en ces termes : « Les Watussi sont une caste
noble d’étrangers sémitiques qui ont subjugué toute la zone interlacustre et dont la
taille géante dépassant parfois les deux mètres, fait penser au monde des fées. »(Caput
Nili). Pour sa part le Duc de Mecklenburg fera le portrait robot des hutu, agriculteurs
bantu, laids, esclaves bonspour les travaux durs, et les tutsi venus d’Egypte et d’Arabie…Membre
d’une expédition scientifique allemande en Afrique centrale dirigée par ce duc, l’ethnologue
Jan Czekanowski dira que les Batutsi et les Bahuma doivent être mis en
relation avec les tribus nilo-hamitiques de la rive Est du bassin du Nil.
Les administrateurs coloniaux, informés et déformés par ces
clichés s’employèrent à les faire pénétrer dans la tête des élites des Grands Lacs,
singulièrement du Rwanda et du Burundi. « Les Batutsi étaient destinés à régner. Leur seule
prestance leur assure déjà, sur les races inférieures qui les entourent un prestige
considérable. (18) » Voilà comment s’exprimait P. Rychmans qui fut administrateur résident du
Burundi pendant dix ans.
Les missionnaires ne furent pas en reste : des évêques aux prêtres
et aux abbés, l’Eglise catholique participa activement à l’enracinement de l’idéologie
hamitique. Mgr Gorju, s’interrogeant sur les rois tutsi trouva cette réponse : « Sans
doute d’audacieux chefs de bande, l’infiltration de blancs au milieu des noirs, c’est-à-dire
des apathiques bantu …(19) » De même, Mgr Léon Classe qui fut archevêque du Rwanda
écrivait en 1922 «
La population du Rwanda est formée de trois races : les Batutsi,
la classe noble, les Bahutu, ou le peuple, les Batwa ou pygmées… Les Batutsi ne sont
pas des bantu, ce sont, si vous voulez, des négroïdes : c’est le peuple de l’Afrique
qui possède le plus fortindice hamitique. Autrefois, longtemps avant l’ère chrétienne, il
y eut d’Asie Mineure de fortes migrations de peuples qui passèrent en Egypte puis
peuplèrent l’Abyssinie, et, peu à peu, s’écoulèrent vers le sud. Là est l’origine probable de nos
Batutsi… » Le prélat ne manquait pas de parler de la grande taille des Batutsi , de leur
physionomie agréable « parfois même rappelant de près la race sémitique. (20)»
Le père Pagès, du Rwanda, écrira à son tour, en 1933, Un royaume
hamite au centre de l’Afrique. Dans cet ouvrage le prêtre étend aux peuls le
qualificatif de hamite et prétend que les tutsi sont des hamites-sémitiques venus d’Egypte et d’Abyssinie,
dans des caravanes avec des porteurs nègres. «On rencontrera souvent le mot
« hamite »…il sert à désigner les ‘Batutsi’ qui sont les mêmes que les ‘Bahimas’ de l’Uganda
et du Nkole…les ‘Banyambo’ du Ndorwa et du Karagwe. Les ‘Peuls’ou ‘Peulhs’ (au
pluriel Foulbé ou Foula) du Soudan…paraissent eux aussi, fortement apparentés à la race des
Hamites. (21) »
Parmi les autochtones, l’Abbé rwandais, Alexis Kagame a joué un
rôle important dans l’enracinement de l’idéologie hamitique, d’une part à cause de sa
contribution dans l’écriture de l’histoire du Rwanda, d’autre part à cause de la
respectabilité des hommes d’Eglise. Il restera le symbole même de l’intellectuel incapable
de se départir d’une idéologie que les faits qu’il étudiait ne cessaient de démentir.
Nous le verrons plus loin.
Un quart de siècle après l’indépendance du Rwanda et du Burundi,
paraissait en 1978 de Paul Del Pérugia , Les derniers rois mages. On y lit que « Le
Hamite …ne gravit que très tard, à la fin du XIIième siècle, la zone inter-lacustre. …Tout
rendait ces immigrants irréductibles aux Bantous. Les hamites ne sont ni négroïdes, ni
européïdes. L’origine de leur race splendide demeure toujours mystérieuse. (22)»
2.4. Présomptions sans fondement et mépris des faits.
Aucun de ceux qui ont répandu l’idéologie hamitique n’a pu lui
fournir une assise scientifique. Et l’on reste étonné par la disproportion entre
cette absence de base et la ténacité avec laquelle elle continue de hanter l’Afrique, de
diviser et détruire ses enfants.
L’échantillon ci-après, tiré des documents respectifs cités
ci-haut montre avec quelle légèreté ses partisans la présentent : « Il paraît impossible de
croire, à en juger par l’apparence physique des Wahûma, qu’ils puissent être d’une autre
race que celle mishem mi-hamitique d’Ethiopie » écrivait John Hanning Speke. « Là est l’origine
probable de nos Batutsi » écrivait Léon Classe pour qui « On peut établir
tout un faisceau d’indices tirés de la constitution physique, des moeurs et coutumes, des
légendes des Batutsi.
Aucun argument ne peut être pris dans la langue… » Le père Pagès
parlait de « quelques présomptions et quelques données sur lesquelles on peut s’appuyer
pour essayer de faire un peu de lumière. »
Ceux des propagateurs du hamitisme qui se sont efforcés de lui
trouver des assises n’ont pas réussi et ont été obligés de tordre les faits , cédant à
l’impératif d’un a priori récurrent. Ce fut le cas notamment d’A. Kagame et de Mgr Gorju.
Dans un article intitulé : « Les Hamites du Rwanda et du Burundi
sont-ils des Galla ? (23) » Alexis Kagame, déjà convaincu que les Batutsi étaient des
hamites les répartissait en trois groupes : les Couchites : Somali, Galla ;
les Nilo-hamites : Sud-Est du Soudan, Nord-Est de l’Ouganda, Ouest du Kenya, Nord-Est du
Tanganyika ; les Hamites inter-lacustres : Bahima, Bahinda, Batutsi du Rwanda, du
Burundi et du Buha. Il constatait que « Les différences entre ces trois groupes se
situent dans les systèmes linguistiques, dans les institutions sociales et politiques, ainsi
que dans divers éléments culturels qui en découlent. Ces facteurs de différenciation n’empêchent
cependant pas qu’il y ait, même du point de vue culturel, une certaine unité
fondamentale, parallèle à celle de la race. S’il en était autrement, ils auraient été
difficilement groupés sous l’étiquette commune de’ civilisation hamitique’ qui leur est
appliquée. »
L’étiquette: voilà l’ultime recours quand les faits culturels
censés fonder cette pseudo civilisation hamitique si recherchée font défaut. En effet,
étudiant comparativement six traits culturels importants à ses yeux, l’Abbé Kagame constate une
nette différence. Les galla pratiquent la circoncision, « Les Hamites interlacustres n’ont
aucune idée de cette coutume. » « Les galla utilisent la chèvre dans leurs cérémonies
les plus vénérées…or chez les hamites inter-lacustres, la chèvre constitue une
impureté.» Il constate qu’alors que chez les Batutsi la brebis partage le mythe de la vache et
constitue avec elle un animal divinatoire, chez les galla c’est plutôt le bouc qui a ce
statut, alors qu’il est tabou au plan social et divinatoire chez les Batutsi. Kagame fait le
même constat à propos du Zébu : les Galla élèvent la vache zébu (ingwêba). « Mais les
Batutsi et les Bahima considèrent comme impur le lait de la vache zébu, au même titre
que celui de la chèvre.
Nos Hamites préféreraient mourir de faim plutôt que de se souiller
en buvant de ce lait. ». Chez les Galla le forgeron devient un paria « or non
seulement le forgeron n’est pas un paria chez nous, mais encore le Roi du Rwanda lui-même est
le forgeron suprême du pays. » Enfin, il relève que « l’institution galla qui marque,
d’une manière plus spectaculaire, l ‘absence de relation culturelle entre ces
couchites et les hamites interlacustres» c’est-à-dire les Gada ou classes d’âge qui conditionneraient
leur structure
sociale et organisation politique. « Les Hamites inter-lacustres ignorent les classes d’âge…Le système socio-politique, en leur zone est axé sur la
monarchie de droit divin. »
Et l’Abbé de conclure sans appel : « Les Galla et les Hamites
inter-lacustres en dehors de leur appartenance à la même civilisation pastorale et à la même
race Hamitique n’ont jamais pu entrer en contact et s’influencer culturellement. »
L’autre homme d’Eglise qui a lancé (après J.H. Speke) l’idée des
tutsi-galla (dans Entre le Victoria, l’Albert et l’Edouard, paru en 1920), et qui s ‘est
perdu dans des contradictions, est Mgr Gorju du Burundi. Après avoir écrit que
les princes burundais de la dynastie ganwa se disaient d’origine hutu, il s’est contredit,
probablement sous la pression, pour propager une phrase qu’aurait prononcé le jeune
prince Baranyanka : « notre dynastie est hamite ». En effet, il a noté dans un écrit
intitulé Zigzags à travers l’Urundi comment son préjugé s’était heurté aux faits : « Lorsque,
à force de faire et zigzags et enquêtes, nos idées se furent modifiées dans le sens de
l’origine bantu de nos Hamites, nous conclûmes. » Mgr Gurju précisait ses preuves : les «
affirmations très nettes de nos princes, vieilles légendes stéréotypées qu’on s’est
transmises sous (leur) couvert, nous ont fait adopter longtemps l’opinion contraire et
conclure à l’origine bantu de leur dynastie ». Entre autres princes, Gorju citait le grand
chef Nduwumwe qui avait affirmé clairement : « Ne te méprends pas sur notre origine ; nous
autres princes, notre
premier aïeul était Muhutu, nous ne sommes que des bahutu .(24)
» Une telle affirmation à une époque où n’était noble que ce qui était tutsi a requis du
chef Nduwumwe un attachement certain à la vérité. Et Gorju insiste : « Il est des
princes dont le faciès est du bantu pur. Nous nous fatiguerions à citer des noms parmi les anciens
et les nouveaux.
Bref , pris dans l’ensemble nos princes sont moins hamites que les
simples pasteurs et, quand ils le paraissent, cela doit vraisemblablement être attribué
à des unions incessamment répétées dans le stock hamite. » Gorju continue ainsi
: « Leurs coutumes viennent à l’appui de leurs dires. Leurs hommes de confiance sont
toujours parmi les manants. Un prince, lorsqu’il épouse une fille mututsi, accomplit
des cérémonies dans une hutte d’un muhutu, constituée expressément pour cela par des
bahutu, dans un kraal de bahutu. Lorsqu’un prince sent la mort venir, il se fait
porter dans la hutte d’un de ses bahutu pour y mourir. (25)»
Malgré tout cela, semblable à Galilée contraint de se déjuger,
Gorju écrit sans conviction : « Les rois barundi ne sont bahutu que parce qu’on les
appelle bahutu. Le roi de l’Urundi est muhutu en théorie. (26) » L’historien Jean-Pierre
Chrétien reprend le témoignage de Gorju en le citant : « Tout le monde le dit ici et
les princes eux-mêmes m’ont affirmé qu’ils ne descendent pas d’un mututsi». Et Chrétien
à son tour écrit que « les traditions orales les plus largement répandues …donnaient au
fondateur de la dynastie, Ntare Rushatsi, une origine méridionale…et n’excluaient
pas une appartenance hutu. Sous l’influence conjuguée d’un grand chef du Nord-Ouest,
Pierre Baranyanka, et de l’évêque Julien Gorju…tous deux fascinés par la culture
rwandaise, une autre version est officialisée, à coup de bricolage des sources et même de
pressions sur certains informateurs : elle donne au roi fondateur une origine rwandaise
et tutsi, fondant en quelque sorte les lettres de noblesse de l’aristocratie dynastique
burundaise. (27»
3. La judaïsation des Tutsi, stade ultime de l’idéologie
hamitique.
Nos l’avons dit : le terme hamitique a subi des déformations
philologiques, des assimilations linguistiques et des manipulations idéologiques(28).
Mais alors qu’on pensait l’idéologie hamitique en voie d’extinction sous sa forme
explicite, elle est en train de resurgir sous une forme que certains n’hésitent pas à
présenter comme une nouvelle stratégie d’exploitation de l’Afrique, celle des Grands
Lacs en particulier.
3.1. Havila : terre des Juifs d’Afrique ou une idéologie de l’occupation?
Le 18 mars 2000, Grands Lacs Confidentiel (29) titrait ainsi un
article signé de Erik Kennes : « Judaïsation des Tutsis : identité ou stratégie de
conquête ? » L’auteur notait que « depuis un certain temps, une nouvelle identification sociale
est née chez les tutsi du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda. La réclamation d’une
identité juive, les tutsi hébreux, fait certainement son bonhomme de chemin et de façon non
hasardeuse. ».
Cette identification aurait déjà des échos en Israël, puisque, dit
Kennes, le Jerusalem Post du 23 novembre 1998 aurait écrit : « Nous lançons un appel à
Israël et à la communauté internationale pour condamner et prendre des actions
contre toute violence anti-israélite perpétrée par des non israéliens à travers l’Afrique,
y compris plus de 500.00 tutsis-hébreux israéliens au Rwanda. . » L’auteur souligne
que « Havila est le mot attribué à la région des Grands Lacs par ce mouvement de la
judaïsation des tutsis ». Institut, centres de recherche et manifestations sont
voués, dans la discrétion, à la promotion de l’identité des tutsis-hébreux. Erik Kennes
signale l’existence de 7 centres de recherche liés à « l’Institut des Grands Lacs » qui
regrouperait « dans la plus grande discrétion les plus grands intellectuels tutsis à travers
le monde ».
L’objectif commun de ces centres serait de restituer et de faire
revivre la « mémoire perdue des douze codes hébraïques qui ont caractérisé depuis des
millénaires, la civilisation des peuples kushitiques de l’Abyssinie méridionale
(Rwanda, Burundi, Buha,Ankole, Buhavu etc.) et gardiens des mines du roi Salomon ».
Kennes détaille les missions de chacun des 7 centres. Ainsi , le Centre Gédéon serait
chargé de la sécurité et de la stratégie, le centre roi Salomon des analyses économiques
et financières, le centre Hakim de la médecine , des sciences naturelles, de l’écologie
et des écosystèmes dans Havila ; le centre Mulenge de la maîtrise des nouvelles
technologies de la communication, de la documentation et des archives cruciales
relatives à Havila. Le centre ISHMGO appuierait Mulenge en logistique et s’occuperait de
la muséologie de Havila, des manifestations culturelles et folkloriques ainsi que
de la « fabrique d’Ishango » au sein de laquelle les artisans reconstitueraient l’art
et l’artisanat salomonique de Havila. Le centre Techouvhah s’occuperait de la
connexion mémorielle des peuples shébbatiques du Nil Blanc et du Nil Bleu (Ethiopie,
Somalie, Erythrée, Ogaden, Ghana, Nigeria) etc. Le centre Sacega s’occuperait du
souvenir de l’institution du bâton de justice et du gouvernement dans Havila…par rapport à
la mémoire de l’antique Israël, dont ils gardent … les codes salomoniques et
mosaïques…dans des traditions multi-séculaires. Enfin, le centre Bilkis-Reine de Saba
s’occuperait de l’analyse et de l’intervention politique et diplomatique concernant les
peuples de Havila.
Le texte mentionne également l’organisation, du dimanche 24
octobre au mardi 2 novembre 1990, à Aguleri, dans l’Igboland au Nigeria, d’un
festival tutsi « célébrant la réunification physique des tribus perdues de Havila, de Guihon
(Ethiopie, Somalie, Erythrée, Ogaden, Ghana, Nigeria ) et du Fouta Djalon. » Les
organisateurs auraient été l’African Hebrew Organisation, le King Solomon Sephardic
Federation et le Groupe Industriel RIVKIN TECHNOLOGY.
L’auteur cite comme ténors de la conférence le professeur Jean
Bwejeri, linguiste, l’avocat Mathias Niyonzima du barreau de Bruxelles et professeur
de droit à l’Université de Nantes, le capitaine Ciramunda Richard-Delvaux, criminologue et
stratège de Havila, Gaspard Kirombo, lauréat de la faculté des Sciences politiques et
sociales de l’UCL, coordinateur du centre Mulenge et modérateur de la conférence
inaugurale. A ceux-là s’ajoutent le professeur Alexandre Kimenyi(USA), Déogratias
Bugera, Bizimana Karahamiheto et Jérôme Gapangwa Nteziryayo, évêque d’Uvira,
docteur en histoire ecclésiastique.
De la lecture des écrits des promoteurs de Havila dont le siège
est à Bruxelles, en Belgique, il se dégage un certain nombre de principes à la fois
antidémocratiques et proches d’un essentialisme fixiste dont le raciste le plus simple
d’esprit peut faire un fonds de commerce. En effet, derrière l’obsession des traditions
se cache ici l’idée d’une perfection immémoriale et définitive. De même le paradigme monarchiste
propre à Havila dont le chef, Jean Bwejeri, se dit prince de Nkoronko ; la
mystique raciale tendant à promouvoir un culte des Tutsis, le mythe d’un passé codé sacralisé
mais manipulable à souhait, tout cela amène à se demander si Havila n’est pas une
école de racisme, un virus idéologique des plus dangereux. Quand par exemple J. Bwejeri
écrit dans un article intitulé « Havila et les Tutsi hébreux » que « Durant les quarante
dernières années, les Batutsi ont été exterminés et sont encore en train d’être
exterminés, à cause de leur identité hébraïque et de leur héritage salomonique » par qui
voudrait-il être pris au sérieux ? Peu lui importe : l’assimilation des tutsis à des
victimes d’un nazisme et d’un antisémitisme africains est en marche.
3.2. Recherche de fraternité ou moyen de division et d’exploitation?
Derrière les proclamations d’une fraternité entre les Tutsi et les
Juifs, certains voient la poursuite du dessein consistant à diviser les Africains pour mieux
les exploiter. Car, se demandent-ils, en quoi un Tutsi est-il plus frère d’un Juif que d’un
Africain qui partage avec lui la vie quotidienne et le passé récent ? Il s’agirait
plutôt d’une manipulation idéologique, visant à utiliser certains groupes ethniques, à les
dresser contre d’autres africains en leur donnant une origine extra-africaine, noble,
supérieure. Comme hier les Tutsi, les Galla, les Hima, les Peuls, les Lemba etc. furent dits
des Hamites, des blancs dans la peau noire, aujourd’hui, les mêmes, avec des Nigérians,
des Ghanéens etc. sont en voie d’être rebaptisés Juifs. Des informations dignes de foi
font penser que les Fangs d’Afrique centrale sont également visés par ce projet de
judaïsation. De même qu’Edith Sanders, en 1969, voyait dans le hamitisme une
idéologie destinée simplement à rationaliser l’exploitation de l’homme noir et à
spolier le continent (30), Kennes voit derrière la prétendue volonté de retrouvailles
fraternelles un projet de mainmise économique sur les ressources de la région des Grands
Lacs, à partir de l’instrumentalisation des Tutsi et des autres ethnies rebaptisées
juives pour les besoins de la cause. « Les maîtres à penser de cet empire (Hima-Tutsi)
sont des personnes hautement instruites, qui ont tissé des relations avec certains
groupes juifs et plusieurs partenaires occidentaux qui leur permettent de réaliser leur
projet au prix des richesses abondantes dont regorgent ces Etats ».Il s’agirait donc de la
complicité des certaines élites africaines avec des multinationales étrangères pour piller
l’Afrique. Erik Kennes cite par exemple le projet Solomon Pipeline de la compagnie Westrac qui
viserait à donner gratuitement à Israël l’eau du fleuve Congo. Dans certains écrits
quelques idéologues de Havila affirment que le roi Salomon leur a donné en héritage la
région des Grands Lacs et que les Bantous sont des immigrés à titre précaire. Qu’ils n’ont
qu’à se soumettre aux lois des maîtres du pays ou partir ! De même, en se proclamant
gardiens des mines du roi Salomon, ils chercheraient à justifier le pillage des minerais
de la région.
Mais encore : à y regarder de près, les derniers développements de
l’idéologie hamitique tutsie judaïsante sont une insulte pour les Tutsis et pour le bon
sens. Les pseudo savants de la patrie Havila proclament en effet que la religion
tutsie est un monothéisme en rapport avec le modèle mosaïque de la dix-huitième dynastie d’Egypte,
que le système juridique doit être l’exacte copie du code déteuronomique,
que le Tutsi doit être monarchiste politiquement, et qu’il doit être gardien de vache
puisque tutsi veut dire d’après le prince de Nkoronko « ceux dont l’occupation permanente
est de conduire le bétail au pâturage ». Bref les Tutsi n’auraient pratiquement plus
rien à inventer et n’auraient qu’à se tourner vers leurs savants, qui, organisés en
brillants centres de recherches se sont donnés la mission d’exhumer les trésors de leur
humanité et de leur restituer l’intégralité de leur mémoire perdue. Seulement, hélas,
au prix de quels abandons et de quels risques ? Et quand Jean Bwejeri, le prince de
Nkoronko, écrit une oeuvre intitulée : Les Batutsi II. L’histoire confisquée il ne
croit pas si bien dire.
Seulement ce qu’il n’avoue pas, c’est que ce n’est pas l’historiographie
classique qui a confisqué cette histoire, c’est lui et ses chercheurs, qui, ô
paradoxe fratricide ! veulent enfermer les Tutsis dans le passé en en faisant des momies dorées.
A se demander si les patrons de Havila aiment les Tutsis…
4.- Comprendre et agir
Le mythe des origines et l’idéologie hamitique sont une entreprise
délibérée visant à affaiblir l’Afrique pour l’exploiter facilement. Ils se servent d’un
racisme anthropologique , social et culturel ainsi que d’une falsification de l’histoire
africaine pour dresser les africains les uns contre les autres. D’où la nécessité d’engager
une action pour démasquer et neutraliser ses avatars et réconcilier les africains
, singulièrement ceux des Grands Lacs autour de l’idée d’un destin commun.
4.1. Par-delà les fausses généalogies, les vraies parentés.
L’analyse historique de cette idéologie nous ramène au constat que
les pasteurs de l’Afrique des Grands Lacs sont des Bantous, parlent des langues
bantoues. Ils ne constituent pas une race à part. De plus, les pasteurs de l’Afrique
des Grands Lacs ne sont pas tous des Tutsis ou des Himas. Des Bashis, des Hutus etc.
ont élevé du bétail en combinaison avec l’agriculture.
En outre les aristocraties de cette région ne sont pas issues d’une
immigration blanche mais d’une différenciation socioprofessionnelle locale. Et contrairement à l’idée courante les vocables Hutu, Tutsi, Hima,
Twa etc. ne désignaient pas originairement des ethnies culturellement
distinctes les unes des autres, mais des clans ; c’est-à-dire des communautés issues d’un même
ancêtre connu : Muhutu, Mututsi, Muhima, Mutwa etc., cela n’excluant nullement un
ancêtre commun avant la spécialisation professionnelle relative des uns et des
autres. Le fait que Hutus, Tutsis et Twas, Himas aient des noms de lignages communs pourrait
plaider dans ce sens.
De plus, les différences morphologiques observées ne relèvent pas
de caractères raciaux génétiquement figés mais de divers facteurs : alimentaires
notamment.
Par ailleurs les ressemblances morphologiques entre pasteurs d’Afrique
dues surtout à l’alimentation ne font pas d’eux des parents proches tout comme
elles ne créent aucune affinité culturelle directe : on l’a vu notamment à propos des
Gallas et des pasteurs des Grands Lacs.
L’idéologie raciste plaquée sur la région a eu pour effet de
diviser artificiellement ses peuples en races différentes, hiérarchisées, dont certains
pasteurs faussement affublés d’une ascendance blanche constitueraient l’élite prédestinée à
gouverner les nègres en coopération avec le colon.
Pour le Burundi par exemple, l’amalgame hamitique a fait que la
dynastie des Baganwas, traditionnellement de souche hutue soit reclassée tutsie
et d’origine étrangère pour la simple raison qu’elle avait du bétail et des pouvoirs. Les
Bahimas furent rebaptisés Batutsis alors que c’étaient des Bahimas c’est-à-dire
descendants de Muhima et non de Mututsi. Des Hutus riches et qui avaient du bétail,
voyant que les colons appelaient Tutsis les riches, les puissants et les nobles,
revendiquèrent et acquirent le titre de Tutsi. Le paradoxe aujourd’hui est que les Bahimas qui
depuis 1966 se disent les porte-flambeau de la noblesse tutsie du Burundi ne sont même pas
des Batutsis au sens authentique du terme et qu’avant la colonisation ils étaient
plutôt un clan méprisé, à part quelques lignages. Le mot Tutsi, au départ synonyme de descendant
de Mututsi est venu signifier pasteur, riche, noble, Blanc dans une peau noire. Et,
suite aux manipulations coloniales le mot Hutu a été assimilé à tort à serviteur, esclave
alors que les termes umusuku, umuja exprimaient adéquatement ces statuts. Cette oeuvre
de faussaire a fini par fragmenter, pétrifier et polariser la société.
4.2. L’idéalisation des Tutsis et la diabolisation des Hutus : un
même piège
Nous avons vu plus haut à quel point une certaine littérature a
adulé et porté aux nues la beauté et les qualités des Tutsis. Encore aujourd’hui la presse
occidentale manifeste une sensibilité très inégale devant la mort des Hutus et des Tutsis.
Autant le génocide des Tutsis du Rwanda fait l’objet d’une commémoration quasi
religieuse, autant les trois millions de congolais emportés par l’agression rwando-ougandaise
et les milliers de Hutus rwandais massacrés par le FPR sont l’objet d’un oubli
ordinaire. Ils sont « banalement mortels ». Et une habitude atypique mais calculée s’est
installée dans certains journaux de parler d’extrémistes, de génocidaires Hutus,
tendant à enraciner dans les esprits que Hutu rime avec crime, violence, méchanceté,
génocide. Cette diabolisation de toute une communauté est non seulement
intolérable mais relève du dessein inavoué d’empêcher la réconciliation et la bonne
cohabitation des Hutus et des Tutsis. Se prêter à une telle entreprise c’est se faire le
complice actif d’un racisme sournois qui sous-entend qu’il y a un « esprit Hutu » et un «
esprit Tutsi ». Ce n’est pas en tant que Hutu ou Tutsi que le méchant ou le juste l’est. Mais la diabolisation des Hutus et l’oubli du génocide des Hutus
du Burundi en 1972 (voyez son absence cruelle dans le numéro 76 de Manière de voir,
Bimestriel du Monde Diplomatique, sur Les Génocides dans l’histoire !) d’une part et d’autre
part l’idéalisation des Tutsis ainsi que la sur-médiatisation du génocide rwandais de
1994 ne doivent pas faire croire aux Tutsis qu’ils sont tous choyés par les puissants
de ce monde. Les Tutsis du Rwanda ont été abandonnés dans la détresse la plus extrême
parce que « cela arrangeait » certains intérêts.
Les idéologues qui se proclament les champions des Tutsis se
servent de leurs frères comme prétexte politique. Ils sont prêts à les abandonner à la
misère et aux massacres pourvu que leurs intérêts et leur pouvoir soient préservés. Dans
un témoignage de plus de trente pages, un ancien militaire du Front Patriotique
Rwandais, ABDUL RUZIBIZA a décrit comment le FPR et son armée patriotique ont abandonné les
Tutsis de l’intérieur en proie au génocide et refusé de les secourir alors qu’ils en
avaient les moyens(31). Il écrit notamment, en grands caractères :
"KAGAME NOUS A EMPECHE DE VENIR
EN AIDE A NOS PARENTS ALORS QUE NOUS EN AVIONS LA CAPACITE ET LA VOLONTE. »Il ajoute:
« Un Tutsi a fourni aux tombeurs des Tutsi le prétexte de les
exterminer et les a délaissés après. » Et plus loin : « …Kigali comptait plus de 12000
hommes de troupes Inkontanyi et les Tutsi continuaient à être massacrés partout…Il n’était
pas question pour ces militaires d’aller au secours des gens, parce que Kagame ne l’avait
pas spécifié dans les ordres qu’il avait donnés.» Un autre témoignage d’un militaire
qui a évolué dans les services de renseignement du Général Kagame et dans sa garde
rapprochée, le ‘ second lieutenant ‘ Aloys Ruyenzi, matricule OP 1460, est tout aussi
révélateur. Au point 32 Ruyenzi,écrit, très amer : « Il n’épargna pas ses propres frères
tutsi. Bagogwe et Banyamulenge du Zaïre furent tués pour sauvegarder ses intérêts
personnels. (32)»
En les présentant comme les perles sacrées de l’Afrique l’idéologie
hamitique a séparé les tutsis de leurs frères, en les dressant contre eux. Ils sont tout
comme les Hutus, des victimes de cette supercherie. Et la recherche légitime des
racines, à défaut d’aboutir scientifiquement sur l’unité de la race humaine, ne devrait pas
conduire à la création et à l’entretien de ghettos idéologiques, rendant l’Afrique encore plus
vulnérable à certaines multinationales dont le profit est le seul frère et ami. Et qu’on
le veuille ou non, chaque fois qu’un peuple se dit supérieur, élu et d’une pureté immaculée,
cela sonne comme un défi, une provocation pour les autres considérés, certainement à
tort, comme recalés par Dieu... C’est donc ensemble que Hutus, Tutsis et Himas ont à
lutter contre ce qui en Afrique des Grands Lacs continue d’oblitérer leur fraternité.
4.3. Combattre activement l’idéologie hamitique
Si l’on fait le bilan des pertes humaines causées par l’exacerbation
de cette idéologie, on comprend la nécessité et l’urgence d’une lutte déterminée contre
ce fléau. Après les génocides du Burundi(1972) et du Rwanda(1994), la responsabilité
de la communauté internationale n’est pas seulement de juger et sanctionner les
coupables : elle doit identifier les institutions, les compagnies, les publications et les auteurs
qui les véhiculent, adapter les législations et prendre des sanctions qui s’imposent.
L’autre arme contre le racisme hamitique est une éducation avisée
des jeunes qui les mettrait à l’abri des travers ethniques et racistes. Et c’est là
la responsabilité des pouvoirs publics, des autorités religieuses et des médias qui,
directement ou indirectement, façonnent les consciences et les opinions. L’éducation
civique des enfants devrait mettre résolument l’accent sur la tolérance des différences,
sur la richesse de la diversité et montrer l’universalité de l’humain par-delà les
particularités culturelles.
Selon toute vraisemblance les pouvoirs oligarchiques sécrètent l’élitisme
négatif, le népotisme et le racisme ethnique. Seul un régime démocratique peut
dissiper les manies aristocratiques figées et cultiver une citoyenneté tolérante et
créatrice. On entend encore des défenseurs discrets mais têtus de l’oligarchie dire que
la démocratie n’est pas une panacée, qu’on a vu dans l’histoire des « dictatures
démocratiques » ou « des démocraties tyranniques » Certes, mais si un régime issu des urnes
peut décevoir , se corrompre et devenir odieux , cela ne disqualifie pas pour autant
la vraie démocratie, mais engage plutôt à prendre des mesures de sauvegarde.
Conclusion.
L’étude du mythe des origines et de l’idéologie hamitique nous a
donné l’occasion de montrer l’inconsistance de la théorie des climats, du déterminisme
géographique, ainsi que du racisme qui expliquent les différences socio-culturelles
par l’impact du climat ou de l’hérédité génétique. Elle nous a également permis de
comprendre que les Hébreux, ont forgé la malédiction des Cananéens, des Egyptiens et des Noirs
pour s’en servir comme arme idéologique. La tradition judéo-chrétienne faisant des
Noirs des êtres maudits justifiera l’opprobre historique jetée sur eux dans l’esclavage
et la colonisation.
Au dix-neuvième siècle, le hamitisme prendra un tour nouveau. En
effet, choqués de découvrir, suite aux conquêtes napoléoniennes, à l’égyptologie et
au déchiffrage des hiéroglyphes que l’ancienne civilisation égyptienne était l’oeuvre
d’Africains noirs, les racistes et colonialistes européens trouveront en Gobineau un
grand maître à penser.
Désormais Cham n’est plus un Noir maudit avec toute sa
descendance, mais un Blanc qui par le sacrifice de sa race s’est mêlé aux Mélaniens, leur
transmettant par son sang, leur part d’intelligence, de civilisation et de beauté. Toutes les
civilisations africaines seront désormais réputées chamitiques, oeuvres de Blancs à peau noire.
L’Afrique des Grands Lacs sera un champ privilégié dans l’implantation
de l’idéologie hamitique. Située dans le prolongement géographique de l’Egypte et
en amont du Nil, cette région va à la fois fasciner et être victime de
manipulations falsificatrices de son histoire, de sa sociologie politique et de son anthropologie. Un
coin idéologique a été enfoncé entre les filles et fils d’Afrique tendant à amputer ce
continent d’une partie de ses ethnies, de son phénotype jugé caucasien, et plus récemment,
juif. A force d’être magnifiées, flattées, favorisées parfois par les colonialistes
racistes, certaines élites tutsies et himas ont été prises au piège d’une idéologie qui se sert d’eux pour diviser et dominer l’Afrique. Mais au regard des violences qu’a entraînées le
mythe de la spécificité et de la supériorité tutsie, il est du devoir des intellectuels,
des politiciens, des éducateurs, des chefs religieux et des organisations anti-racistes
de combattre ce virus qui est, disons-le, une arme de destruction massive. Réaliser la
fraternité des Hutus, des Tutsis et des Himas dans la famille bantou, c’est en même temps
réaliser la fraternité humaine. A cette fin Havila et ses structures constituent un
obstacle à lever.
Dr Lazare Ndayongeje, Directeur de Programme,
Politique & Géopolitique Burundaise,
Burundi Réalités International (BRI Inc.)
Contact :Politique@Burundirealite.org
http://www.BurundiRealite.org
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Notes et références bibliographiques
1. ARISTOTE.- La physique, Livre IV, 1, Ed. Les Belles Lettres,
pp.. 123-124.
2. EINSTEIN, Albert.- La relativité, Payot, 1978, pp...156-159.
3. DESCARTES, René. -Principes de la philosophie(1644), IIème
partie, articles 10 et 11.
4. BODIN, Jean.- La république, Livre V (1576) cité par Jean
Jacques Chevallier, Les
grandes oeuvres politiques, de Machiavel à nos jours, Armand
Colin, Paris, p. 101
5. MALSON, Lucien.- Les enfants sauvages, (1964), Edit. 10/18,
1977, pp.9-10
6. CARREL, Alexis, L’homme cet inconnu
7. DRAKE, Saint-Clair.- « Détruire le mythe chamitique, devoir des
hommes cultivés », in
Présence Africaine, 24-25, 1959, p.p. 215-230
8 . MANIRAGABA , Balibutsa. -Une archéologie de la violence en Afrique
des grands Lacs,
Editions du Ciciba, Libreville, 1999 , p.p. 161-162
9. SANDERS , E. R.- “The hamitic hypothesis, its origin and
fonction in time perspective”
in Journal of African History, (1), 1969, p.521 et ss
10.MANIRAGABA , Balibutsa.- « La dérive herméneutique sur « ham »
dans les traditions
judéo-chrétiennes », in Une archéologie de la violence en Afrique
des Grands Lacs, Ed.
du Ciciba, Libreville 1999, p. 171
11. MANIRAGABA , Balibutsa.- « Le racisme anti-noir chez les
philosophes des
Lumières » in OP. cit. p.p. 183-197
12. GOBINEAU , Arthur.- Essai sur l’inégalité des races humaines,
OEuvres complètes de
Gobineau, I, Gallimard, 1983, p. 347
13. GOBINEAU, Arthur.- Op. cit. P.341
14. DRAKE, Saint-Clair.- Article cité, p.219-220
15.JOHNSTON, Harry.- “A survey of the ethnography of Africa and
the former racial and
tribal migration in the continent” In The Journal of the Royal
Anthropological Institute of
Great Britain and Ireland, 43, (1913), p. 375-421
16. BAUMANN, Oscar.- Durch Massai-land zur Nilquelle.p 196. Cité
par Maniragaba, B.,
« L’idéologie hamitique dans la région des Grands Lacs »,In op.
cit. p.247
17. CHRETIEN, Jean-Pierre.- « ‘Vrais ‘ et ‘faux’ nègres », in Le
monde, 28 juin, 1981
18. RYCHMANS, Pierre.- Grands Lacs, 1936, p.p. 279-280, cité par
Chrétien J.-P., « Une
révolte au Burundi en 1934 » in Annales E.S.C, p. 1705
19. GORJU , Julien, Mgr.- Entre le Victoria, l’Albert et l’Edouard,
Rennes, 1920, p. 155,
cité par MWOROHA , Emile.- Peuples et rois de l’Afrique des Lacs,
NEA, Dakar-Abidjan,
1977, p. 79
20. CLASSE, Léon ,Mgr.- « Le Rwanda et ses habitants » in Congo,
1922,p.p.677-693
21. PAGES, Révérend Père.- Un royaume hamite au centre de l’Afrique,
Mémoire de
l’Institut Royal Colonial Belge, I, 1933, Bruxelles, p. 5
22. DEL PERUGIA, Paul.- Les derniers rois mages, Ed. Phébus,
Paris, 1978, p.p. 35-36
23. KAGAME , Alexis, Abbé.-« Les hamites du Rwanda et du Burundi
sont-ils des
Gallas ? », in Bulletin des séances . Académie royale des sciences
coloniales. Nouvelle
série, 2, 1956, Bruxelles, pp.314-365
24. GORJU, Julien, Mgr.- Face au royaume hamite du Rwanda, le
royaume frère de
l’Urundi, Bibliothèque du Congo, N.S. N° 3, Bruxelles, 1938, p.
7-8
25. GORJU, Julien, Mgr.- op. cit. pp. 9-11
26. Idem, p. 12
27. CHRETIEN , Jean-Pierre.- Burundi. L’histoire revisitée. 25 ans
de métier d’historien en
Afrique. Ed. Karthala , paris, 1993, p. 325
28. MANIRAGABA, Balibutsa.- « Les manipulations étymologiques des
termes « ham »,
« hamitique » l’idéologisation de la philologie » in op. cit.
pp.154-240
29. KENNES, Erik.- «Judaïsation des Tutsi : identité ou stratégie
de conquête ? » in
Grands Lacs Confidentiel, 18 mars 2000. Voir aussi : « Mouvement d’extrême
droite
Burundaise : Comment pouvons-nous comprendre Havila ? » sur www.burundisites.
com/agnews-havila.
30. SANDERS, E.R. Article cité, p. 532
31. RUZIBIZA , Abdul.- Témoignage visant à démontrer comment le
gouvernement
rwandais et le FPR sont responsables des erreurs qui ont rendu
possible le génocide. Estce
que le FPR est venu secourir les Tutsis comme on nous l’a souvent
répété ?
32. RUYENZI, Aloys.- Major General Paul Kagame behind the shooting
down of late
Habyarimana’s plane : an eye witness testimony . Contact : aruyenzi2000@yahoo.com
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