« Je vous ai compris »
Antoine Kaburahe
03-04-2015
Chaque camp pense à ce moment. Cette date que tout le
monde attend avec une certaine angoisse. Dans les médias, lors de tous les
discours, chaque camp affirme, répète à l’envi sa détermination. « Nous
serons nombreux à descendre dans la rue pour dire non au 3ème mandat »,
clament l’opposition et la société civile dont certains leaders n’hésitent pas
à dire qu’ils seront à la tête d’une marche « au finish », prêts à
verser leur sang s’il le faut.
Et les ex-combattants de rétorquer qu’ils seront là
pour combattre par tous les moyens tous ceux qui se mettront en travers de la
route de « leur » candidat.
Tic tac tic tac. L’heure tourne, inexorablement. Les
positions sont chaque jour plus tranchées. Radicales. Ceux qui ne sont pas avec
Lui, le président, sont contre lui et traités comme tel : ils perdent leurs
postes, leurs gardes, voire leurs passeports…
Au Cndd-Fdd, qui semble-t-il signifie le Conseil
National pour la Défense de la Démocratie, on ne rigole pas avec les voix
dissonantes. La « défense de la démocratie » ? C’est joli pour le sigle.
Vivre cette démocratie au parti de l’aigle, c’est autre chose…
Tic tac tic tac. L’heure tourne, inexorablement.
Impuissants comme ces habitants des îles qui voient venir la tempête, les
Burundais semblent attendre l’heure fatale.
Un seul homme peut arrêter la spirale vers cette
violence annoncée qui risque de happer le pays. Lui se tait.
Mais si le pays sombre, l’histoire sera sans
pitié car il ne dira pas qu’il ne savait, qu’il n’a pas été prévenu.
Pourtant, il lui suffirait d’une phrase genre « Je
vous ai compris », pour sauver le pays et entrer dans l’Histoire.
Rompez !
10-04-2015
Le nouveau porte-parole du Cndd-Fdd a déclaré, avec
une pointe de regret, que s’ils étaient encore au maquis, les frondeurs «
auraient été passés par les armes ». C’est justement le problème : Le Cndd-Fdd
plus au maquis mais aux affaires et devrait se conduire comme tel.
Au sein du parti présidentiel, beaucoup n’ont pas
compris que la loi ou plutôt l’absence de la loi du maquis est dépassée.
Ce que M .Gélase Ndabirabe a dit n’est pas un lapsus
malheureusement. Le CNDD-FDD a du mal à devenir un parti politique normal où on
admet des idées divergentes, où on ne fait pas la chasse aux voix discordantes.
Au-delà de la question du 3ème mandat, ce parti devrait
s’interroger sur cette nécessaire transmutation en profondeur. Un parti
politique accepte le débat interne.
Les membres du parti ne sont pas des militaires qui
doivent obéir, voter les yeux fermés. La guerre est finie, cher M. Ndabirabe,
c’est d’ailleurs ce que nous sérine notre président. Et le Burundi n’est pas
une caserne. Rompez ! Marchons vers la vraie démocratie.
***************
******+
Troisième
mandat : «Il n’y a pas de débat, les textes sont clairs»
Ngabire Elyse
13-04-2015
Pour avoir apposé sa signature le premier à l’Accord d’Arusha
au nom du gouvernement burundais, Pierre Buyoya se range du côté des
contestataires du troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Pour lui, c’est une
violation des textes, pourtant nets.
Pierre Buyoya : « Je ne suis pas prophète de malheur
mais le pays court un grand risque de replonger dans la crise si les textes ne
sont pas respectés. » ©Iwacu
« Le mode d’élection dont se targue une opinion pour
justifier le troisième mandat de l’actuel président de la République importe
peu », déclare Pierre Buyoya.
Sur la question de mandat, fait savoir M. Buyoya, il
ne devrait pas y avoir de débat : « Je n’invente pas la roue. En son article 7
alinéa 3, l’Accord d’Arusha stipule que le président de la République est élu
pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.»
De surcroît, M. Buyoya cite l’article 96 de la
Constitution émanant du même Accord : « Le président de la République est élu
au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule
fois. »
Pour Pierre Buyoya, il faut lire cet article en parallèle avec l’article 302 qui stipule qu’ « à titre exceptionnel, le président de la République de la période post-transition est élu par le Parlement réuni en congrès et à la majorité des deux tiers des membres. »
En décidant que le premier président de la
période post-transition soit élu au suffrage indirect, explique-t-il, les
négociateurs voulaient épargner la population des discours politiques de
campagne parce qu’elle était encore sous le choc de la guerre.
Des gens qui veulent démontrer le contraire, note
le sénateur, ne font que de la spéculation politique.
«Le pays est au tournant»
15 ans après la signature de l’Accord d’Arusha,
M. Buyoya constate que le Burundi a fait des progrès énormes : «Tout le monde
est témoin, tout a changé, du tout au tout sur le plan politique.»
Pour Pierre Buyoya, le Burundi occupe une place
de choix dans la région et dans le monde pour sa contribution énorme en matière
d’envoi des troupes dans le maintien de la paix.
L’ancien président de la République se dit
également satisfait de la liberté des citoyens burundais à exprimer ses
positions : « Il ne faut pas perdre tous ces acquis.»
L’ancien chef d’Etat constate que le Burundi est
dans un tournant : «Nous sommes dans la possibilité d’avancer et courons le
risque de basculer dans la guerre.» Personne, avertit Pierre Buyoya, n’a le
droit et ne peut prendre la responsabilité de faire retourner le pays dans la
guerre. Il appelle les institutions élues notamment le président de la
République, l’Assemblée nationale et le Sénat à prendre les responsabilités : «
Ils doivent aller au-delà des difficultés que traverse le pays pour trouver des
solutions aux problèmes posés. »
La question de troisième mandat, insiste M.
Buyoya, il est politique et non juridique : « Si ces institutions républicaines
arrivent à prendre le bon chemin, le Burundi sera parti une fois pour toutes
sur la voie de la stabilité. » Personne, conclut le sénateur à vie, ne pourra
plus mettre en cause l’histoire de mandat et le pays aura mis fin à l’histoire
d’ambition, de rébellion et de coup d’Etat.
klaxons contre le 3ièm mandat...
04-avril-2015
Comment Nyangoma a (presque)
offert à Nkurunziza le troisième mandat
L’appel du
président du Cndd et l’une des têtes pensantes de l’ADC Ikibiri à « des
pourparlers entre le pouvoir et l’opposition pour mettre en place un
gouvernement de transition » risque de briser l’ampleur du mouvement
contre un nouveau mandat Nkurunziza. En en faisant inconsciemment un
débat débouchant sur des réflexes ethniques en milieu
rural.
Léonard
Nyangoma s’exprimant lors de la conférence de l’ADC Ikibiri de mai 2014, à Bruxelles
©Iwacu
Peuchère ! Il y avait eu le terrible uppercut de l’Église Catholique oint à la neuvaine, les crochets plus
séculaires des USA, de l’Union Européenne et des Elders, les nombreuses saillies des activistes
de la société civile et autres journalistes, moi-même je m’étais exercé à quelques embardées
fictionnelles à travers les cordages pour griffer les mollets du bagarreur,
puis il y eut l’effroyable
direct des frondeurs, avant que, vlan !,
Ban Ki-Moon, pourtant réputé pacifiste, n’allonge une méchante claque toute
en finesse.
Nous retenions notre souffle, nous jubilions presque en regardant le ring
pré-électoral vaciller : l’homme allait plier le genou, lever le gant, crier de
dépit « Foutez-moi la paix avec ce foutu mandat dont je ne veux
pas ! »Vu que même le grand-frère tanzanien avait, semblait-il, murmuré à l’oreille de Nkurunziza : « C’est cuit ! »
Puis, contre toute attente, il y eut cette publication du vendredi 27 mars 2015. Signée Léonard
Nyangoma, le terrible enfant du Sud qui lança la rébellion Cndd il y a vingt
ans avant de devenir, communales 2010 obligent, le parrain idéologique de l’ADC
Ikibiri. Une voix politique significative donc, même si les scrutins de 2005 et
2010 avaient prouvé que son aura électoral avait fondu comme peau de chagrin,
se limitant désormais à sa légendaire verve sur micro et aux collines
natales.
Léonard Nyangoma donc, celui-là qui promettait à un ambassadeur européen de
« prouver mathématiquement les fraudes massives des communales de 2010 »,
le célèbre professeur de math de Rutovu signait une missive
lourde. Était-ce un coup de sonde, ou la mise à découvert d’une étape d’un
plan plus large commençant par la contestation de Nkurunziza ?
Publiée sous le titre « le parti CNDD explicite la nécessité d’un
gouvernement de transition au Burundi », la lettre de Léonard
Nyangoma expliquait notamment ceci :
Face à une […] situation explosive et à l’entêtement du régime de
Nkurunziza dans l’exclusion et la violence, il est impossible de tenir des élections
justes et transparentes. Il faut donc que tous les Burundais patriotes, toutes
les forces vives de la nation s’organisent pour faire pression en vue des
pourparlers entre le pouvoir et l’opposition pour mettre en place un
gouvernement de transition, qui aurait des missions claires et convenues, et
aboutirait à l’organisation d’élections libres, impartiales et transparentes.
Le mot était lâché. Transition.
Le lendemain, Victor
Burikukiye, vice-président du Cndd-Fdd lançait à Muyinga, lors de la
clôture des fameuses marches de la paix, que « celui qui empêchera
[Nkurunziza de se faire élire] sera considéré comme […] celui qui a tué
Melchior Ndadaye, après trois mois de règne. » Autrement dit, un
putchiste.
Deux jours après, lors de sa visite d’adieu aux autorités burundaises, l’ambassadeur
Paul Seger à la tête de la Configuration du Burundi pour la consolidation
de la paix à l’ONU déclarait que c’est aux Burundais de répondre aux questions
des candidatures électorales « à travers les mécanismes juridiques et
institutionnels existant. »
Autrement dit, un représentant de la Communauté Internationale laissait de côté
les habituels appels à respecter « la Constitution, Arusha et son esprit
et les autres lois » pour confier le sort de l’éventuelle candidature de
Nkurunziza à la Cour Constitutionnelle. Comme l’avait dit le
concerné au Conseil de Sécurité.
Un changement de ton notable qui peut s’expliquer par l’évolution de la
situation en quatre plans :
de prime
abord, les propos de Nyangoma (l’un des pères fondateurs de l’ADC Ikibiri) sont
venus jeter un sérieux doute sur la volonté de tous les acteurs politiques
burundais de participer au processus électoral en cours. Ce trouble frappe ceux qui sont attachés au principe de transfert de pouvoir
par les urnes, avec un soutien au processus électoral tant sur le
plan logistique qu’à
travers un suivi sur terrain du travail de la CENI. Et si la situation
sécuritaire peut poser des soucis par endroits, le travail logistique et les
processus d’inscription sont en général appréciés, comme ici avec
l’ambassade des Pays-Bas au Burundi.
Il est donc difficile d’imaginer le Burundi rentrer de nouveau dans une phase
de transition et de négociations, qui coûterait évidemment plus cher aux
contribuables des pays occidentaux que l’organisation des élections comme
annoncé par le calendrier électoral de la CENI. Même si soutenir le processus
électoral actuel, avec les dangers liés à la candidature Nkurunziza peut
déboucher sur une autre crise coûteuse pour les pompiers que sera la Communauté
Internationale.
Ce dilemme (financer les élections coûte que coûte, ou se retenir pour financer
l’apaisement du jeu potentiellement violent de l’après-élection) est en passe
d’être résolu avec le
re-soudage des membres du Cndd-Fdd, un temps menacé de grave scission pour cause du
troisième mandat controversé de Nkurunziza.
Pour rappel,
comme l’ont toujours souligné les différentes analyses politiques sur le
Burundi, le plus grand danger du parti à l’aigle n’est pas externe. Il est
interne : la seule force capable de vaincre le Cndd-Fdd est celle qui le
mènera à une implosion, dispersant en factions le réservoir de voix du parti en
milieu rural. Or, c’est ce que promet justement le schéma officiellement tracé
par la proposition de Nyangoma, qui d’ailleurs essaimait jusque-là
essentiellement sur les réseaux sociaux.
Le raisonnement propagandiste au sein du parti présidentiel est simple :
si le parti cède sur la candidature de Nkurunziza, ce sera un aveu de faiblesse
que l’opposition va exploiter au maximum pour exiger l’arrêt du processus
électoral déclaré irrégulier
par l’ADC Ikibiri et le
démantèlement de l’actuelle CENI. Le temps de remplacer tout cela et l’on sera
face aux expirations des dates de légitimité légale des institutions, ce qui
mènera de fait à la transition annoncée par Nyangoma.
Or transition = négociations = direction collégiale du pays = éparpillement de
l’électorat Cndd-Fdd entre les nouvelles coalitions en jeu = mort du Cndd-Fdd.
La
réaction des membres du parti au pouvoir, pressions et intimidations
aidant, a été de mettre de côté les divergences sur la candidature de
Nkurunziza au profit de l’union des Bagumyabanga. Cela transparaît dans la
série de lettres écrites par les frondeurs repentis. S’ils reviennent sur leur
position d’opposition au troisième mandat, ce n’est pas parce qu’ils estiment
s’être trompés il y a une dizaine de jours : « C’est la position qu’il
faudrait. Mais pour l’unité de notre parti Cndd-Fdd, je prends la décision de
me conformer à la volonté de la majorité des Bagumyabanga » peut-on lire
dans la série de lettres écrites ce 31 mars 2015, comme
celle-ci.
– Deuxièmement, les propos de Nyangoma auront comme
autre conséquence l’ethnicisation accrue du débat électoral, notamment sur
cette question de la candidature de Nkurunziza. Ici aussi, la propagande
cndd-fddiste fait fort de rappeler les parallèles historiques dans un milieu
rural pas complètement guéri des traumatismes de la crise de 1993.
Octobre 1993 justement.
Ndadaye (= expression de la volonté
du peuple) assassiné, c’est la place à la transition, qui ira de la reddition
de la légitimité démocratique du Frodebu et l’entrée de l’Uprona
« putschiste » au gouvernement en 1994, jusqu’à 2005. 11 années de
malheur « essentiellement en milieu rural, chez vous ! » leur
crie-t-on.
Avril 2015. Nkurunziza (=
expression de la volonté du peuple) empêché de se faire élire, c’est la place à
la transition, qui va aller de la reddition de la légitimité démocratique du
Cndd-Fdd et l’entrée de l’opposition au sein d’un gouvernement de transition
dans lequel personne ne saurait prédire comment, ni quand on s’en sortira.
« Ce seront de nouvelles années de malheur devant vous ! »,
assure les propagandistes du parti, touchant une corde sensible surtout chez
les électeurs hutu du monde rural.
Les deux contextes générés par la sortie médiatique de Nyangoma, couplés aux
mouvements et intimidations des Imbonerakure et des anciens combattants sur les
collines vont avoir comme résultat un mouvement centripète autour du Cndd-Fdd,
tout au moins durant le processus électoral.
Le raisonnement propagandiste au sein du parti présidentiel est simple :
si le parti cède sur la candidature de Nkurunziza, ce sera un aveu de faiblesse
que l’opposition va exploiter au maximum pour exiger l’arrêt du processus
électoral déclaré irrégulier
par l’ADC Ikibiri et le
démantèlement de l’actuelle CENI. Le temps de remplacer tout cela et l’on sera
face aux expirations des dates de légitimité légale des institutions, ce qui
mènera de fait à la transition annoncée par Nyangoma.
Or transition = négociations = direction collégiale du pays = éparpillement de l’électorat Cndd-Fdd entre les nouvelles coalitions en jeu = mort du Cndd-Fdd.
La réaction des membres du parti au pouvoir,
pressions et intimidations aidant, a été de mettre de côté les divergences sur
la candidature de Nkurunziza au profit de l’union des Bagumyabanga. Cela transparaît
dans la série de lettres écrites par les frondeurs repentis. S’ils reviennent
sur leur position d’opposition au troisième mandat, ce n’est pas parce qu’ils
estiment s’être trompés il y a une dizaine de jours : « C’est la position
qu’il faudrait. Mais pour l’unité de notre parti Cndd-Fdd, je prends la
décision de me conformer à la volonté de la majorité des Bagumyabanga »
peut-on lire dans la série de lettres écrites ce 31 mars 2015, comme
celle-ci.
Des
Bagumyabanga lors de l’inauguration du siège national ©Iwacu
Octobre 1993 justement. Ndadaye (=
expression de la volonté du peuple) assassiné, c’est la place à la transition,
qui ira de la reddition de la légitimité démocratique du Frodebu et l’entrée de
l’Uprona « putschiste » au gouvernement en 1994, jusqu’à 2005. 11
années de malheur essentiellement en milieu rural, chez
vous ! » leur crie-t-on.
Avril 2015. Nkurunziza (= expression de la volonté du peuple) empêché de se faire élire, c’est la place à la transition, qui va aller de la reddition de la légitimité démocratique du Cndd-Fdd et l’entrée de l’opposition au sein d’un gouvernement de transition dans lequel personne ne saurait prédire comment, ni quand on s’en sortira. « Ce seront de nouvelles années de malheur devant vous ! », assure les propagandistes du parti, touchant une corde sensible surtout chez les électeurs hutu du monde rural.
Les deux contextes générés par la sortie médiatique de Nyangoma, couplés aux mouvements et intimidations des Imbonerakure et des anciens combattants sur les collines vont avoir comme résultat un mouvement centripète autour du Cndd-Fdd, tout au moins durant le processus électoral.
Tout cela arrive dans un contexte régional propice au maintien au pouvoir
des « anciens du maquis » :Avril 2015. Nkurunziza (= expression de la volonté du peuple) empêché de se faire élire, c’est la place à la transition, qui va aller de la reddition de la légitimité démocratique du Cndd-Fdd et l’entrée de l’opposition au sein d’un gouvernement de transition dans lequel personne ne saurait prédire comment, ni quand on s’en sortira. « Ce seront de nouvelles années de malheur devant vous ! », assure les propagandistes du parti, touchant une corde sensible surtout chez les électeurs hutu du monde rural.
Les deux contextes générés par la sortie médiatique de Nyangoma, couplés aux mouvements et intimidations des Imbonerakure et des anciens combattants sur les collines vont avoir comme résultat un mouvement centripète autour du Cndd-Fdd, tout au moins durant le processus électoral.
– la fuite de Radjabu et la menace d’éclatement d’une
nouvelle rébellion, l’inquiétante
course à l’armement dans la région entre l’Angola, la RDC, le Rwanda et la
Tanzanie (information largement relayée sur les réseaux sociaux au Burundi),
les menaces sécuritaires sur le flanc ouest du Burundi avec des groupes opérant
à partir de la RDC, tout cela pousse nombre de Bagumyabanga récalcitrants à un
nouveau mandat Nkurunziza à se demander « qui » sera le bouclier
officieux (officiellement, c’est l’armée nationale) en cas de nouveau conflit
au Burundi ou dans la région. Évidemment, le choix du Cndd-Fdd et ses réseaux
s’impose au détriment du FNL, par exemple.
– contrairement à certains analystes qui
soutiennent que le Rwanda serait heureux de voir le Burundi plonger dans la
crise pour montrer que le modèle consensuel de « partage du pouvoir entre
ethnies assumées » hérité d’Arusha ne marche pas, les récents propos de l’homme fort de Kigali vont plutôt
dans le sens contraire.
D’abord, ce qui importe pour les voisins du Nord, de même que la Tanzanie, c’est de préserver la stabilité de la région, garante de la bonne marche des affaires (Corridor Nord et Central, rôle de hub touristique auquel Kigali travaille activement et avec succès, d’ailleurs, etc). Or une crise au Burundi, avec sa cohorte de réfugiés et de catastrophes humanitaires, minerait cet élan.
D’abord, ce qui importe pour les voisins du Nord, de même que la Tanzanie, c’est de préserver la stabilité de la région, garante de la bonne marche des affaires (Corridor Nord et Central, rôle de hub touristique auquel Kigali travaille activement et avec succès, d’ailleurs, etc). Or une crise au Burundi, avec sa cohorte de réfugiés et de catastrophes humanitaires, minerait cet élan.
Ensuite, spécifiquement pour Kigali et Kinshasa, toute
position régionale qui défend « le primat de la volonté populaire sur le
diktat de la communauté internationale » est la bienvenue. Kagame l’a
bien résumée : « La
décision d’une réforme constitutionnelle appartient au peuple
rwandais. Nous n’avons pas la prétention de dire qui doit diriger la
France ou les Etats-Unis; la réciproque doit être vraie. »
Kagame,
Kikwete et Nkurunziza lors du dernier Sommet des Chefs d’Etat de l’EAC dédié au
Corridor Central ©BdiPresidence
Si Nkurunziza parvient à donner les gages qu’il
peut maîtriser la situation après son élection et qu’effectivement il passe,
cela fera l’affaire de tout le monde au sein de l’EAC. Preuve sera faite que la
Communauté internationale, épaulée par son porte-parole local (la société
civile) peut échouer à imposer l’agenda politique à des peuples « qui
savent prendre en mains leur destinée. » Un message fort joyeusement
accueilli jusqu’à Nairobi, où l’on ne se privera pas de rappeler que l’Occident hurlant à l’élection d’un duo Kenyatta-Ruto
« coupable de massacres et méritant la CPI », se précipite désormais
à soutenir le même tandem au nom des enjeux économiques menacés par l’appétit
chinois. La preuve : Barack Obama s’y rend en juin prochain pour un forum
africain consacré au business …
Sans parler du fait qu’un peu partout en Afrique,
l’Occident s’accommode fort à propos du pouvoir des anciens
hommes en treillis, qui savent contenir les menaces terroristes et protéger
leurs intérêts sur le continent. De Al-Sissi (Egypte) au tout frais Buhari (Nigeria) en passant
par … Museveni (Ouganda).
En résumé, loin de relancer le débat électoral
comme annoncé, les propos de Léonard Nyangoma vont confiner le positionnement
individuel des électeurs susceptibles de faire bouger les rapports de force
dans la course électorale à des réflexes de groupe, identitaires, et qui du
coup, vont tuer le débat citoyen autour d’un nouveau mandat Nkurunziza.
Face à un électorat qui instinctivement associe transition > amagaburanyama* > intérêts des politiciens > guerre, il sera assez difficile de remettre en doute et de façon sensée/raisonnée l’opportunité d’un Nkurunziza III. A l’inconnu de la transition, on préférera le familier de 2005 à 2015.
Face à un électorat qui instinctivement associe transition > amagaburanyama* > intérêts des politiciens > guerre, il sera assez difficile de remettre en doute et de façon sensée/raisonnée l’opportunité d’un Nkurunziza III. A l’inconnu de la transition, on préférera le familier de 2005 à 2015.
Et même si au final l’actuel numéro un burundais ne se présentait pas aux présidentielles, sa place au sein du parti sera telle que celui qu’il imposera aura poings et pieds liés, maintenant en pratique le statu quo.
Ironie du sort donc : Nyangoma, ce héraut de la
résistance face à la mise à mort de la démocratie en 1993 a inconsciemment
perverti le débat démocratique qui prenait une ampleur citoyenne inédite.
Car débattre sereinement exige que l’on mette de côté, pour un temps au
moins, la tension mémorielle et la brûlure des souvenirs, pour parler idées,
avenir. Le mot « transition » évoque le contraire, chez la plupart
des Burundais, urbains ou ruraux.
Pauvre Burundi : nous sommes-nous trompés en
souhaitant avant l’heure l’arrivée des civils au pouvoir ?
I Opinion I Un congrès de dernière chance et
une fenêtre de sortie pour sauver la face
Gervais
Cishahayo 23-04-2015
Même si le parti au pouvoir peut compter sur son
congrès de dernière chance et un avis de la cour constitutionnelle pour sauver
la face, il lui faudrait encore liquider le très sérieux contentieux d’un
processus électoral où la CENI est accusée de fraudes à son profit. Toutes les
voies de sortie n’ont pas été explorées car il n’y pas de volonté politique
nécessaire et suffisante ni de canal de communication fiable entre l’opposition
et la société civile à juste titre intransigeantes face à un pouvoir assiégé,
victime de ses propres bilans et incapable de contempler des démarches de bons
offices en vue d’obtenir, paradoxalement auprès de ses adversaires, des gages
d’une fenêtre de sortie pour sauver la face.
Seules les grandes et moyennes puissances de ce monde
estiment à sa juste valeur, la position géostratégique de ce pays qui a le
potentiel de constituer un important carrefour d’échanges économiques et
socioculturels au cœur d’un continent qui n’a jamais pu rationaliser le capital
de ses immenses ressources naturelles et humaines. Dans la même logique, elles
semblent également les seules à pouvoir infléchir de manière décisive les
positions tranchées des uns et des autres vers une solution concertée et
consensuelle en dehors des positions cristallisées autour des réflexes plus
émotionnels que rationnels.
Depuis
l’indépendance au Burundi, les explosions cycliques de violence ont toujours
été le résultat de contradictions profondes auxquelles la classe politique n’a
pas répondu de manière proactive rationnelle. Comme d’autres pays, après des
décennies de régimes issus de coups d’états, le Burundi s’est remis à l’école
de la démocratie quelques années seulement après la fin de la guerre froide :
la confrontation entre les détenteurs du pouvoir et les citoyens assoiffés de
libertés démocratiques n’a pas tardé à se manifester.
La crise aigüe que
traverse actuellement le pays a exposé les séquelles résiduelles d’un conflit
qui a duré deux fois plus que les deux guerres mondiales. Il fallut plus de 12
ans de guerre pour fatiguer suffisamment les belligérants avant de les
contraindre dans des négociations et finalement des accords de paix d’Arusha et
d’autres protocoles que certains semblent aujourd’hui avoir signé à contrecœur,
pendant que d’autres n’hésitent pas à les remettre ouvertement en cause, à
défaut de pouvoir s’en dissocier.
Les récents
évènements, ont aussi révélé une détermination et des moyens de répression
policière sophistiquée et subtilement brutale avec lesquels toute velléité de
revendication doit désormais compter avec la seule différence que cette fois-ci
les médias locaux et internationaux peuvent jouer un rôle salutaire de
démystification, de modération et de dissuasion d’un pouvoir qui jadis pouvait
frapper sans jamais être inquiété. Aujourd’hui, alors que les ingrédients d’une
répression violente sont apparemment réunies, toutes les voies de sortie n’ont
pas été explorées car il n’y a pas de volonté politique nécessaire et
suffisante ni de canal de communication fiable entre une opposition et une
société civile à juste titre intransigeantes face à un pouvoir assiégé et
victime de ses propres bilans.
Dans leur
ensemble, les Burundais sont devenus appréhensifs envers les gouvernements de
transition et les négociations interminables de triste mémoire car ils
considèrent qu’ils profitent le plus souvent aux opportunistes ventriotes de
tous bords aux dépens de l’affermissement d’une classe de politiciens
profondément nationalistes. Paradoxalement,
le pouvoir peut avoir besoin de l’opposition et de la société civile pour
sauver la face …
En marge d’un faux
débat académique et politique sans modérateur ni verdict autour d’un troisième
mandat qui n’aurait jamais dû avoir lieu et semble perdu pour le parti au
pouvoir, celui-ci peut encore compter sur son congrès de dernière chance et
même un avis de la cour constitutionnelle pour sauver la face. Cependant, il
lui faudrait encore liquider le contentieux d’un processus électoral où la CENI
est accusée de fraudes à son profit.
Dans le contexte
actuel d’un calme trompeur avant un ouragan où les récentes manifestations
risquent d’être comme des secousses mineures précédant un séisme de plus grande
envergure, l’apaisement susceptible d’être interprété comme une sorte
d’impunité n’est pas une option ; la logique de la confrontation doit en
définitive céder la place à d’autres alternatives de sortie de cette crise
notamment des démarches de bons offices. En effet, toutes les voies possibles
de sortie n’ont pas été explorées car il n’y a pas de volonté politique
nécessaire et suffisante ni de canal de communication fiable entre une
opposition et une société civile à juste titre intransigeantes face à un
pouvoir assiégé, victime de ses propres bilans.
A moins que cela
ne soit fait dans les coulisses, les sorties médiatiques et les propos
belliqueux de certains hauts responsables du parti au pouvoir ne rassurent pas.
Ils engendrent une perception d’un pouvoir inflexible et incapable de
contempler des démarches de bons offices en vue d’obtenir, y compris
paradoxalement auprès de ses adversaires, des gages d’une fenêtre de sortie pour
sauver la face mais sans aucune garantie d’impunité étant donné le caractère
grave et imprescriptible de certains crimes déjà commis ou (selon les
allégations des uns et des autres) en cours de planification en vue de récolter
des dividendes politiques éventuels de l’utilisation (ou des menaces) de la
violence.
Nkurunziza : candidat ou pas
candidat ?
La Rédaction
25-04-2015
Tout le Burundi, particulièrement la ville de
Bujumbura, est dans l’expectative des décisions du congrès du Cndd-Fdd qui se
tient ce samedi 25 avril. Les « Bagumyabanga », vont-ils donner le feu vert au
président Nkurunziza de se représenter ? Les habitants de Bujumbura retiennent
le souffle.
Hier dans
l’après-midi. Les habitants de Bujumbura se ruent dans les marchés pour faire
des provisions .
Jusqu’à 20
heures, c’est la cohue au centre-ville. Très peu de bus de transport pour faire
rentrer un nombre impressionnant de passagers dans leurs quartiers. Les
embouteillages sont aussi signalés au marché dit « chez Siyoni ».
RN1 (Route Bujumbura-Bugarama). Vers 5 h 30 .
Déplacement massif et inhabituel de taxi-vélos, de Bujumbura vers l’intérieur
du pays. Les sources sur place indiquent que ce mouvement a commencé
l’après-midi d’hier. Mouvement inverse : des camions « Fuso » amènent les
militants du Cndd-Fdd de l’intérieur vers la ville. gagara. Permanence du
Cndd-Fdd. Vers 6h 30 : attroupement des Imbonerakure. Depuis la permanence, des
jeunes sont rangés à distances régulières tout le long des routes qui mènent à
l’intérieur du quartier. Détour des bus de transport de leurs itinéraires
habituels.
8 h 30. Terrain de l’ETS Kamenge (nord de la
capitale). Des bus de l’Otraco chargent les journalistes et les militants du
Cndd-Fdd. Destination : la permanence nationale du parti. Des chants pour à la
gloire de Peter Nkurunziza. « Peter guma kw’ivola » (Peter, reste au volant), «
Peter kubita impaga » (Peter, triomphe sans péril !) sont diffusés.
Habemus Peter ! La Rédaction
25-04-2015
13h 35. Ça y est. Pierre Nkurunziza est
candidat. Le président du parti dit que la loi lui permet de se représenter. Il
invite tout le monde au calme. Pour lui, le président Nkurunziza est élu pour
le succès de ses réalisations. Que celui qui veut le contester le fasse par les
urnes. La rue est une impasse. Il félicite le président Nkurunziza et lui
souhaite plein de bénédictions devant Dieu.
Nouvelle
résolution. Tout « Mugumyabanga » qui sera promu à un poste devra aussi prêter
serment devant le parti.
13h20. Les militants du Cndd-Fdd exultent
de joie à l’extérieur de la permanence. A l’intérieur, les congressistes
agitent leurs fanions. Tambourinaires et danseurs se mettent en place. « Probablement
que le vote est terminé », avance notre correspondante sur place.
13h10. Rien n’est encore officiel. A côté
du président Nkurunziza, deux autres candidats de ce parti aux prochaines
présidentielles : le député Joseph Ntakarutimana, premier vice-président du
parti Cndd-Fdd, il est originaire de Ngozi et l’Hon. Mo-Mamo Karegwa, première
vice-présidente de l’Assemblée nationale, originaire de Gitega. Les
consultations se poursuivent pour désigner le candidat du arti de l’aigle’’.
Une chose est sûre, le candidat Nkurunziza part favori.
Une chose est sûre, le candidat Nkurunziza part favori.
11h 45. Les cris de joie sont venus de l’extérieur de la
salle où se tenait ce Congrès du Cndd-Fdd dont l’objectif était de désigner le
candidat de ce parti aux présidentielles.
Il est 11h 45 et c’est la liesse, les jeunes
militants du ’’parti de l’aigle’’ se trouvant tout autour de cette salle et à
l’extérieur sur différents axes menant vers ce ’’grand temple’’, applaudissent,
crient, esquissent quelques pas de danse, crèvent les ballons rouges, blancs et
verts, les couleurs de leur parti, pour saluer la nouvelle : «Niwe nyene !
C’est lui et personne d’autre !
11 h30.Prière spéciale dans les paroisses du vicariat de Bujumbura
Parallèlement aux assises du congrès du parti
Cndd-Fdd, dans les paroisses du vicariat de Bujumbura se tiennent depuis 7
heures une prière spéciale « pour cette journée spéciale ». A 11 h30, à la
paroisse Sainte Trinité de Gikungu, une trentaine de fidèles priaient dans la
chapelle eucharistique. Organisée par le Renouveau eucharistique catholique, la
prière prend fin à 13 heures. C’est à 13 h qu’officiellement le congrès devrait
se clôturer.
Signalons qu’à l’agence Volcano, tous les tickets
de bus en destination de l’intérieur étaient déjà vendus avant 10 heures.
D’après un chauffeur, les bus font le plein depuis une semaine.
Le président Nkurunziza et les tenors du parti pendant prière débutant le congrès ©Iwacu
«Ce jour
était attendu, que le Seigneur bénisse cette journée et toutes activités qui
vont se dérouler. Vous allez prendre une grande décision aujourd’hui, elle va
renforcer le parti à jamais », a martelé l’Hon. Nyabenda.
Et de poursuivre : « Le Cndd Fdd est fort de la base
au sommet, je dis merci aux militants qui sont restés fidèles, de vrais
Bagumyabanga ! » Le président du part a rappelé aux congressistes quelques
réalisations de ces derniers jours à l’actif du ’’parti de l’aigle’’ : « Nous
avons fait des manifestations à Bujumbura et à l’intérieur du pays pour
démontrer notre force et notre unité. Il ne faut pas oublier d’où nous sommes
venus ! Nous ne voulons pas y retourner», a-t-il insisté.
Petit bémol : «Mais il y a des compatriotes qui
nous ont faussé ompagnie, vous les connaissez ! Ils ont été motivés par des
intérêts égoïstes comme ce fut après l’assassinat du président Ndadaye.» A ces
mots toute la salle applaudit fortement et pendant longtemps.
«Il nous fait une victoire écrasante », a-t-il
averti. Il n’a pas épargné «certains médias, certains politiciens et certaines
organisation de la société civile qui ternissent l’image des jeunes
Imbonerakure alors qu’ils s’attèlent aux travaux de reconstruction du pays.»
Mais il a appelé ces jeunes du parti au pouvoir d’être disciplinés.
Il a évoqué dans son discours les Burundais qui
continuent à fuir le pays : «Ceux qui sont en train de se réfugier au Rwanda et
ailleurs ont d’autres raisons non avouées d’autres motivations. Nous allons
faire des investigations pour connaître les vrais mobiles. Nous voulons des
élections libres même s’il y a des gens qui ne l’entendent pas de cette
oreille.»
Il a remercié la Communauté internationale pour «
sa position de s’inscrire en faux contre toutes les manifestations ». A ces
mots il y eu des applaudissements et à l’extérieur des chansons en l’honneur du
président Nkurunziza étaient balancées à pleins décibels.
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